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Férie de l’Avent

Mystérieux personnage que ce prophète Elie ! Dans la première partie de la lecture prise dans le livre du Siracide, il n’est question que de feu : « il surgit comme un feu, sa parole brûlait comme une torche… Par trois fois il fait descendre le feu du ciel », avant d’être finalement « emporté dans un tourbillon de feu, par un char aux coursiers de feu ». Redoutable par ses prodiges, cet homme qui disposait de la Parole de Dieu pour fermer le ciel, n’eût point son égal. Sa motivation et la radicalité de son engagement apparaissent clairement dans les propos qu’il tient par deux fois à Dieu sur l’Horeb : « Je suis passionné pour le Seigneur, le Dieu des puissances : les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels et tué tes prophètes par l’épée ; je suis resté moi seul, et l’on cherche à m’enlever la vie » (I R 19, 14).
Poussés par la curiosité, nous avons feuilleté le second livre des Rois pour en savoir plus sur le sort final de cet homme hors du commun. Nous lisons que « Elie monta au ciel dans la tempête » (II R 2, 11), sous le regard de son disciple et successeur Elisée, emporté sur un « char de feu » tiré par des « chevaux de feu ». Nous aimerions probablement savoir si le prophète a survécu à ce traitement de choc, mais la question est hors sujet : les hagiographes n’étaient pas encore atteints par le virus de l’individualisme. Pour eux ce n’est pas la personne d’Elie qui importe, mais l’Esprit de prophétie qui repose sur lui. L’ascension d’Elie signifie que Dieu se réserve de susciter un prophète qui poursuivra son ministère et le mènera à son terme.
Or l’Evangile de ce jour nous révèle que ce prophète n’est autre que Jean le Baptiste. Pourtant, ce n’est pas lui qui accomplit ce qu’annonçait Ben Sirac pour le retour d’Elie. Jean lui-même désigne « celui qui vient après lui et est plus fort que lui : “ lui il vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il a sa pelle à vanner à la main, il va nettoyer son aire et recueillir son blé dans le grenier ; mais la bale, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas ” » (Mt 3, 11-12). C’est Jésus qui accomplit le ministère commencé par Elie, dans le feu de l’Esprit. Celui « qui fut préparé pour la fin des temps, ainsi qu’il est écrit, afin d’apaiser la colère avant qu’elle n’éclate », c’est le Fils Bien-Aimé que le Père nous envoie afin de nous réconcilier avec lui et entre nous.
« Heureux ceux qui te verront », prophétise Ben Sirac ; « Heureux vos yeux parce qu’ils voient et vos oreilles parce qu’elles entendent ! » répond Jésus ; « Amen je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu » (Mt 13, 16-17).
Hélas, parmi ceux qui ont vu, tous n’ont pas cru ; aussi « le Fils de l’homme lui aussi », comme Jean-Baptiste et tous les prophètes, « va souffrir par eux ». Mais Dieu ne se laisse pas vaincre par la malice des hommes ; il va au contraire s’en servir pour faire aboutir son dessein d’amour. C’est parce que le Christ a accepté de s’endormir dans la mort sur la Croix, que le prophète peut annoncer en toute vérité : « Heureux ceux qui se sont endormis dans l’amour du Seigneur, car ils posséderont la vraie vie ».
Dans cette perspective, le bourreau, sans être innocenté pour autant, trouve lui aussi une raison d’espérer : Dieu ne s’est-il pas servi de son ignorance, de son aveuglement, voire de sa haine meurtrière pour faire triompher sa miséricorde ? Et celle-ci n’est-elle pas destinée avant tout aux pécheurs comme lui ? C’est bien ce que Saint Pierre confirmera peu après la Pentecôte : « Vous avez fait mourir le Prince de la vie, mais c’est dans l’ignorance que vous avez agi. Dieu lui avait d’avance annoncé par la bouche de tous les prophètes que son Messie souffrirait et c’est ce qui s’est accompli. Convertissez-vous donc et revenez à Dieu, afin que vos péchés soient effacés » (Ac 3, 15-19).

« Seigneur, plonge-nous dans l’Esprit de feu qui embrasait Elie et le Baptiste, pour que, renouvelés dans notre ardeur, “notre parole brûle comme une torche” lorsque nous proclamons le message de grâce. Car voici venu le temps béni de la patience et de la miséricorde, où “le cœur du Père se penche vers ses fils pour rétablir les tribus de Jacob”. Bientôt, oui très bientôt, « la splendeur de la gloire du Dieu tout-puissant se lèvera en nos cœurs, et l’avènement de son Fils unique, dissipant les dernières ombres de la nuit, fera voir au grand jour que nous sommes fils de la lumière » (Or. ouv.).