Catholique.org - Questions essentielles

Les saints innocents, martyrs

Hérode n’a pas compris grand-chose.

Hérode a craint que l’Enfant-Roi ne le dépossède de son trône. Il l’a craint parce qu’il avait peur, lui le monarque illégitime, le païen qui règne indûment sur le peuple élu. Mais son obsession à se protéger l’a aveuglé sur les véritables sentiments des Mages. Il n’a pas pu voir en eux les hommes de bien. Finalement, lui qui veut se faire redouter de tous, s’est fait moquer par les Mages qui ont choisi de ne pas lui rendre compte de leur visite à la crèche.

Hérode avait entendu la prophétie annoncée par La Parole de Dieu. Mais pour lui, la naissance annoncée réalisait un oracle, un programme céleste irrésistible. Hérode vit en effet dans un monde où la politique fait loi. Tel n’est pas le sens des prophéties. Matthieu nous explique que l’événement présent est, tout simplement, éclairé par la prophétie ancienne. On mesure la portée de l’événement, on pénètre le sens de ce qui arrive, en remarquant combien il est ajusté à ce qui avait été dit par les prophètes. La prophétie ne détermine pas l’avenir, elle permet de comprendre le présent.

C’est ainsi que nous devons recevoir le massacre des victimes innocentes qui ont péri sous le glaive d’Hérode. Ils ne sont pas morts parce que, jadis, un prophète l’avait annoncé. D’ailleurs le verset de Jérémie ne parle pas explicitement d’un massacre. Mais saint Matthieu voit que dans cet événement horrible, la prophétie n’a jamais été autant d’actualité. La prophétie est de tous les temps, on peut découvrir son actualité à toutes dates, mais c’est ce jour-là qu’elle s’accomplit. Ainsi le prophète donne pour modèle de la mère qui ne veut pas être consolée Rachel. Les femmes qui ont pleuré leurs enfants ce jour-là lui correspondaient parfaitement (avec une inversion cependant, puisque, dans la Bible, ce ne sont pas les enfants de Rachel qui sont morts, mais Rachel elle-même, lors de la naissance de son deuxième fils. Disons qu’elle reste associée à un drame de la maternité).

Revenons à Hérode. Non seulement il ne comprend la Parole de Dieu que dans la limite de ses propres catégories, mais encore il l’utilise à ses propres fins. Il connaissait en effet la prophétie, mais il ne s’y est intéressé que dans la mesure où elle servait ses propres projets. Il ne la considère que dans la mesure où elle l’aide à protéger son trône. Hérode ne lui est donc pas soumis. Il veut être lui-même sa propre loi. Preuve en est la fureur qui le prend quand il se croit joué.

Pourtant la royauté de Jésus n’a jamais été présentée en rivale de celle d’Hérode. Si elle était au même plan, il conviendrait d’ailleurs de dire que Jésus n’a eu la vie sauve qu’au prix de celle des autres descendants de la maison de David, au prix de la vie de ces enfants innocents. Mais alors que périssent les éventuels représentants de la royauté nationale, grandit en exil le représentant d’une autre royauté, qui n’a aucune prétention au trône qu’occupe Hérode. Ce massacre brise une généalogie, il fait simplement vaciller la maison de David.

Mais à l’appel du Père, l’enfant roi a quitté la terre de ses ancêtres. Cet appel auquel Joseph se soumet, et qu’il sert, montre que la royauté de Jésus est une royauté universelle. Voilà ce qu’aurait dû comprendre Hérode d’après les prophéties. Lui, comme les Mages, était un païen. Lui, comme tout homme, était appelé à la crèche reconnaître celui dont la royauté n’est pas de ce monde.

Ainsi, Hérode n’a pas compris qu’il y a plus à recevoir qu’à prendre, qu’il est plus grand de libérer que de soumettre, que le royaume de Jésus est celui où nous sommes ses frères. Nous soumettre à sa parole nous assure d’avoir la vie et tue en nous le désir de meurtre engendré par les illusions de notre volonté propre.

En ces jours de l’octave de la Nativité, hâtons-nous de mener à la crèche ce qui reste en nous de volonté d’autonomie, pour nous soumettre tout entiers à la loi du Roi qui s’est fait petit enfant pour que, sans peur, nous entrions dans la vraie vie.