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Les nouvelles persécutions antichrétiennes

Le XXe siècle a fait plus de martyrs chrétiens que les dix-neuf siècles précédents. Mais le XXIe siècle a déjà moissonné ses victimes. Thomas Grimaux signe « Le Livre noir des nouvelles persécutions antichrétiennes », paru en France le 22 novembre (éd. Favre), au moment où le Parlement européen vient d’adopter une résolution sur « de graves événements compromettant l’existence de communautés chrétiennes » devant « la multiplication d’épisodes d’intolérance et de répression vis-à-vis des communautés chrétiennes ».

Thomas Grimaux, 40 ans, a voyagé pendant de nombreuses années dans des pays en guerre ou en persécution : il parle en homme de terrain, de faits concrets, réels. Mais il a aussi scruté la logique interne et les filiations de différents textes « antichrétiens ». Pourtant, c’est en homme de dialogue et dans un esprit évangélique qu’il écrit, comme il l’explique dans ces pages.

Zenit - Chaque année l’agence vaticane Fides publie la liste des missionnaires morts pour leur foi dans différents pays, que signifie cette mémoire chrétienne des « martyrs » d’aujourd’hui ? C’est souvent mal compris...

Th. Grimaux - Heureusement qu’il y a ce travail de Fides. Mais elle ne comprend que les évêques, prêtres, religieuses et laïcs engagés morts pour la foi. Pourtant, lors du Grand Jubilé de l’An 2000, le regretté Jean-Paul II a bien insisté - et il a donné une nouvelle impulsion à cette partie de la théologique - sur le fait que le « martyr » n’est pas seulement celui qui est assassiné. Aujourd’hui, en faire mémoire (comme les martyrs espagnols que Benoît XVI vient de béatifier) n’est pas source de division, n’est pas source de vengeance. Mais, au contraire, c’est un rappel, un vaccin obligatoire pour les chrétiens : la Résurrection passe par la Croix. Et la Croix, c’est aussi de prier pour les bourreaux car « ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Zenit - Votre livre donne des frissons... Est-ce qu’il ne risque pas d’avoir un effet négatif, à savoir de « casser » le travail des diplomates qui ont souvent réussi à construire des ponts , ou celui des catholiques engagés dans le dialogue interreligieux ? Au lendemain du discours de Ratisbonne, on a vu combien les forces de dialogue déjà en place depuis longtemps sont efficaces pour désarmer la violence...

Th. Grimaux - Je crois, sincèrement, que c’est tout le contraire. De la même manière que le dialogue interreligieux ne consiste pas à taire notre foi, le travail des diplomates ou des catholiques engagés s’appuie sur le réel. Or, comme le disent sans cesse les évêques du Soudan, pour ne prendre que cet exemple, il n’y aura pas de paix profonde sans justice. C’est-à-dire sans vérité. Et cette vérité est que les persécutions existent. Ces évêques, à l’instar de tous les interlocuteurs que j’ai rencontrés, ont ce devoir de mémoire. Non pour ne faire une bannière de combat mais bien avoir à l’esprit que des hommes et des femmes, habités par la grâce, souffrent quotidiennement de leur fidélité à Jésus.

Occulter ces persécutions reviendrait à refuser de faire son « travail de deuil ». En parler, dans des termes objectifs et non passionnels, au contraire, permet de dire les choses en face et si l’interlocuteur refuse d’en entendre parler, le dialogue est forcément très limité... Enfin, le Pape, les cardinaux, les évêques, les prêtres, les religieuses, les laïcs engagés que j’ai pu lire ou avec lesquels j’ai parlé, ont cette simplicité de dire les choses telles qu’elles sont. Ils n’en restent pas moins au service de l’Homme. Ils n’en restent pas moins prêts à mourir pour ce dialogue. Mais, encore une fois, un dialogue qui refuse d’entendre cette vérité est un dialogue de sourd.

Zenit - Thomas Grimaux, vous n’êtes pas inconnu des lecteurs de Zenit : vous nous avez déjà parlé de ce sujet grave...

Th. Grimaux - En effet, vous m’aviez déjà interviewé l’année dernière à propos de mon Rapport sur les persécutions antichrétiennes dans le monde (publié par l’Aide à l’Eglise en Détresse). Ce sujet me tient à cœur pour deux raisons principales. D’abord, comme le dit le cardinal Jorge Bergoglio, président de la conférence des évêques d’Argentine, lors du discours inaugural de la 93e assemblée plénière, en avril 2007, « L’Eglise a été, est et sera persécutée [...] tant qu’elle annoncera la Foi ». Mais si l’Eglise est persécutée, ce n’est pas une raison pour ne pas en parler. Ensuite, parce que j’ai effectué de nombreux voyages dans des communautés catholiques persécutées. J’ai donc un devoir de mémoire à réaliser.

Zenit - N’aviez-vous pas tout dit dans votre précédent ouvrage ?

Th. Grimaux - Il semble que non, puisque l’un des grands éditeurs européens m’a demandé ce livre. Celui-ci diffère en ce sens qu’il est beaucoup plus « abouti ». Il n’est pas un « rapport » quasi institutionnel où j’avais privilégié les faits bruts, pays par pays. Le Livre Noir des nouvelles persécutions antichrétiennes veut surtout montrer l’ampleur de ces nouvelles persécutions.

Zenit - En quoi sont-elles « nouvelles » ?

Th. Grimaux - Si les premiers siècles de notre ère ont été justement nommés le « Temps des Martyrs », tant Néron que d’autres ont attaqué les disciples de Jésus, n’hésitant pas à les calomnier pour les faire brûler ; aujourd’hui, l’observateur impartial est contraint de constater une époque de nouvelles persécutions. Elles diffèrent par leur ampleur : ampleur des chiffres, ampleur géographique, ampleur des moyens utilisés.

Quand, dans les premiers siècles, on comptait quelques milliers ou dizaines de milliers de chrétiens persécutés ; aujourd’hui, il faut les chiffrer en dizaines ou centaines de millions. Quand, dans les premiers siècles, les agressions étaient limitées à quelques pays ; aujourd’hui, pas un continent n’est à l’abri des attentats contre « les croisés ». Quand, dans les premiers siècles, on se « limitait » à crucifier, à pendre ou à jeter aux lions ; aujourd’hui, on utilise les moyens « sophistiqués » de la manipulation individuelle et de la manipulation de masse, et cela dans tous les domaines de la vie (judiciaire, économique, médiatique, politique, militaire...).

Mais surtout, il y a une autre nouveauté. Avant, c’est Néron - craignant pour son pouvoir terrestre - qui persécute. Aujourd’hui, la persécution n’est plus l’œuvre d’un dictateur fou, mais trouve son origine dans une pensée structurée : on persécute parce qu’on le veut, parce que c’est un but, politique ou religieux. On persécute au nom d’un Etat, d’une doctrine, d’une « religion ». Dès lors, la persécution devient institutionnelle.

Zenit - Vous décrivez les trois sources de ces nouvelles persécutions.

Th. Grimaux - J’en vois trois principales en effet : les fondamentalismes hindouiste ou bouddhiste (que nous traitons ensemble en raison de certaines similitudes) ; le communisme ; l’islamisme (que je distingue de l’Islam).

Zenit - Vous parlez des « fondamentalismes hindouiste et bouddhiste ». Pourquoi les associez-vous et n’allez-vous pas à contre-courant de leur présentation, en Occident, comme philosophies particulièrement « tolérantes » ?

Th. Grimaux - Elles ont plusieurs points communs. Outre l’ère géographique (Inde et Sri Lanka), ces deux fondamentalismes entendent restaurer l’hindouisme pour les uns, le bouddhisme pour les autres, dans leur « pureté originelle » et, dès lors, veulent chasser de « leurs » terres les chrétiens. Ces derniers étant considérés comme des ennemis irréductibles. En ce qui concerne la vision idyllique donnée par les cartes postales, soyons conscients de la réalité que vivent les chrétiens en Inde, au Sri Lanka, au Népal, en Mongolie, au Myanmar (Birmanie) : les fondamentalismes bouddhistes et hindouistes veulent éradiquer le christianisme. Tant aux plans législatif et politique qu’économique, les chrétiens sont discriminés. Discriminés, quand ils ne sont pas tout simplement attaqués et agressés.

Précisons, bien sûr, que tous les Hindous ne sont pas des persécuteurs mais qu’une partie extrémiste d’entre eux chassent les chrétiens. Or, dans certains Etats, cette minorité extrémiste devient parfois majorité élue. Dès lors, des partis politiques comme le BJP votent un arsenal juridique dans le but de restreindre la liberté d’action des croyants non hindous en général et des chrétiens en particulier. Cette situation est particulièrement préoccupante dans quatre Etats (Arunachal Pradesh, Orissa, Madhya Pradesh, et Chhattisgarh). Ailleurs, quand les extrémistes n’ont pas le pouvoir local, ils agissent en groupe de pression - de manière violente ou non. Partout, ils professent l’Hindutva, une théorie nationaliste.

Dans ce livre, fruit d’un long travail, je donne des exemples constitutionnels, scolaires, de la vie quotidienne... Tous montrent bien la volonté délibérée de blesser, de calomnier ou d’empêcher la propagation du christianisme, comme cela se voit avec les lois anti-conversions et la « double peine » infligée aux dalits chrétiens qui, s’ils se convertissent au catholicisme, perdront tous leurs avantages sociaux et économiques. En revanche, un dalit chrétien peut se convertir à l’hindouisme !

Zenit - Votre deuxième chapitre est consacré au communisme. Benoît XVI en parle en philosophe et pas seulement en théologien, dans son encyclique sur l’Espérance chrétienne. Mais cetet idéologie n’est-elle pas sérieusement en perte de vitesse depuis la chute du Mur ?

Thomas Grimaux - Ne le croyez surtout pas et regardons la situation actuelle en Chine - pays le plus peuplé au monde - et au Vietnam voisin, avant d’appeler à la vigilance en Amérique latine. Par ailleurs, nous démontrons aussi en quoi, même après la chute du Mur, l’opinion publique mondiale reste soumise aux manipulations communistes comme avec la triste manipulation que je dévoile quant à la présentation de Pie XII comme un allié d’Hitler.

Zenit - Cependant, dans nos pays, on persiste à présenter le communisme comme une utopie dévoyée par Staline.

Thomas Grimaux - Un rappel historique permet de rétablir la vérité. Voici juste l’exemple roumain. La prise du pouvoir en Roumanie, a conduit le Parti à une politique antichrétienne systématique. Ainsi, dès octobre 1948, tous les évêques de l’Eglise gréco-catholique sont purement déposés et des « pétitions » sont lancées pour demander le rattachement des gréco-catholiques (c’est-à-dire des catholiques roumains, 1,5 million d’habitants) à l’Eglise... orthodoxe. Comble de l’ironie, le pouvoir en place décide de valider ces conversions obligatoires le 21 octobre 1948, soit exactement 250 ans après l’union des catholiques de rite oriental avec l’Eglise de Rome. Les quatre cathédrales catholiques sont transférées aux orthodoxes. Les écoles et les hôpitaux catholiques sont fermés ou mis sous séquestre. Les six évêques sont immédiatement arrêtés et emprisonnés ou placés en résidence surveillée. Mgr Hossu (1885-1970), refusant de renier sa foi est incarcéré. Courageusement, chaque année, il fera parvenir aux autorités gouvernementales un pro-memoria réclamant la liberté pour son peuple. Le Père Alexandru Todea (1912-2002) sera consacré clandestinement évêque en 1950. Quelques mois plus tard, il passe en procès et est condamné à la prison à vie. Le 10 mai 1950, Mgr Arthémis, évêque d’Alba Julia, en prison depuis 18 mois, décède. Deux mois après, tous les évêques catholiques sont emprisonnés, à l’instar de 600 prêtres.

Nous citons encore les cas de la Tchécoslovaquie, de la Bulgarie, de la Yougoslavie, de la Hongrie... puisque les actes discriminatoires à l’encontre des catholiques, des protestants et des orthodoxes se retrouvent de manière similaire dans tous les pays de l’ancien bloc soviétique.

Zenit - En ce qui concerne la « Mère Patrie Russie », vous citez le « Rapport sur les persécutions religieuses dans l’ex-URSS » de 1995...

Thomas Grimaux - Ce « Rapport » est peu connu. Pourtant, il est instructif au sens où il montre l’ampleur de cette persécution. Publié à Moscou le 27 novembre 1995, le rapport a été établi par une commission ad hoc, instituée par le Président Eltsine. Il fut donc le premier rapport officiel. On y découvre que, de 1917 à 1980, ce sont des centaines d’évêques orthodoxes, des dizaines de milliers de prêtres et des millions de fidèles qui ont été exterminés en raison de leur foi. On ne parle habituellement que des premiers mais j’ai pu rencontrer un certain nombre de prêtres ayant connu les geôles communistes durant vingt, trente ans. Ceux-ci, la gueule cassée à coup de poings, au corps abîmé par des traitements inhumains, par des privations, des vexations, ont su, pour la plupart, rester dignes. Mieux, une fois libérés, une fois leur pays recouvrant la liberté, ils ne se sont jamais autorisé une parole de vengeance : ils avaient pardonné du fonds de leur cœur !

Zenit - Pour revenir à ce Rapport, qu’apprend-il de nouveau ?

Thomas Grimaux - On y apprend que Lénine, dans un message secret adressé au « Politburo », recommandait d’abattre les membres les plus représentatifs du clergé réactionnaire : « C’est maintenant, écrivait-il, que nous devons leur donner une leçon, afin que, pour plusieurs décennies, ils ne songent même plus à résister. » Le rapport donne des chiffres terrifiants : « En 1937, 136.900 ecclésiastiques orthodoxes ont été arrêtés et 85.300 tués. 28.300 ont été arrêtés et 21.500 tués en 1938. En 1939, sur 1.500 personnes arrêtées, 900 ont été tuées. Même durant la deuxième guerre mondiale, quand Staline autorisa la réhabilitation partielle de l’Eglise, chaque année plus de 100 prêtres orthodoxes ont été exécutés ». Le rapport de 1995 avance l’assassinats de 200.000 prêtres orthodoxes en tout ! L’histoire précisera sans doute ultérieurement. Mais, dès à présent, grâce à l’annuaire de l’Eglise russe d’avant la Révolution d’Octobre, on sait qu’il y avait, en 1916, 147 évêques, 117.915 membres du clergé, 21.330 moines et 73.299 moniales. On dénombrait 547 monastères féminins et 478 masculins. Lors de l’invasion allemande, seuls quatre évêques exerçaient encore leur fonction.

Zenit - Vous citez également l’historien italien Andrea Riccardi, fondateur et président de la Communauté de Sant’Egidio.

Thomas Grimaux - Oui, puisqu’il a démontré, d’une manière très documentée, la volonté antireligieuse de Moscou et ce que vécurent les chrétiens en URSS : « La lutte antireligieuse n’était donc pas une question politique contingente, mais une composante permanente de toute la politique soviétique. C’est une lutte - il vaut la peine de le rappeler - qui se prolongera jusqu’au années 80, même si ses méthodes changent et que la répression s’allège. (...) Une constante de toute la politique soviétique à l’égard du Saint-Siège jusqu’à la fin des années 80, même quand il y a des relations directes entre Rome et Moscou, est le refus de discuter avec les responsables du Vatican sur la situation des catholiques en URSS, considérée comme une affaire interne soviétique par les dirigeants de ce pays. »

Zenit - Mais ce comportement ne nous ramène-t-il pas à la Chine actuelle pour qui c’est l’Etat qui doit nommer les évêques ?

Thomas Grimaux - Et c’est pourquoi il est important, à côté d’une information exacte sur des faits concrets, de d’identifier la filiation intellectuelle des « nouveaux persécuteurs ». Ainsi, je parle de la situation actuelle en Chine (on ne sait même pas si les évêques et prêtres emprisonnés sont encore en vie !), au Vietnam, en Corée du Nord, à Cuba...

Zenit - Votre troisième partie est consacrée à « l’islamisme » - que vous distinguez toujours de l’Islam - et, comme pour les deux premières parties, vous associez étude théorique et cas concrets, étude des textes fondateurs des « nouvelles persécutions » et étude de terrain. Mais, à côté des citations des responsables de l’Eglise comme Mgr Giovanni Lajolo ou Mgr Silvano Tomasi, vous citez également des auteurs que l’on ne peut suspecter d’islamophobie.

Thomas Grimaux - Et mon argumentation repose aussi sur des écrits de journalistes que l’on ne peut taxer de cléricalisme exacerbé puisqu’ils travaillent à Libération, au Monde et même à l’Humanité !

Zenit - Ce long chapitre est divisé en sous-chapitres : 1) Origine de l’islamisme moderne 2) L’Arabie Saoudite, matrice de l’islamisme moderne 3) A l’ombre des pyramides ou des minarets ? 4) La persécution sournoise actuelle 5) La persécution violente actuelle 6) Quel avenir pour les chrétiens en terre d’islam ?). Pourquoi remonter à l’origine de l’islamisme et ne pas se contenter des faits actuels ?

Thomas Grimaux - Tout simplement parce que, sinon, on risque de prendre ces faits pour des actes isolés et non comme autant d’éléments d’une stratégie mise en place. Ainsi, pour bien saisir les racines de « l’antichristianisme » islamiste, il faut avoir à l’esprit plusieurs points.

Zenit - Par exemple ?

Thomas Grimaux - Bien que je distingue « islamiste » de « musulman », force est de constater que la progression de l’islam s’est faite soit par le commerce, soit par le sabre : « En moins d’un siècle, les combattants de l’islam vont bâtir par la guerre un empire » (Histoire du terrorisme, De l’Antiquité à Al Qaida. Sous la direction de Gérard Chaliand et Arnaud Blin, Bayard, 2004. Page 289). Dès lors, il y a eu opposition, guerre, persécution. Et ce dès l’origine comme l’écrit Le Point « Même si « djihad » signifie en arabe autant « effort » que « combat dans le chemin de Dieu » pour aboutir à la sainteté, il a toujours été l’arme de la conquête, qu’elle soit dirigée par les califes ou Ben Laden » (10 mars 2005).

Avant la mort de Mahomet, « Juifs et chrétiens sont autorisés à conserver leurs coutumes sous certaines conditions (impôt payé au protecteur musulman, interdiction de bâtir des lieux de culte sans autorisation, impossibilité de porter des armes ou de monter chevaux et chameaux...). Mais le prosélytisme leur est refusé » (Histoire du terrorisme, De l’Antiquité à Al Qaida. Sous la direction de Gérard Chaliand et Arnaud Blin, Bayard, 2004. Page 290).

Zenit - Vous citez le cas peu connu des chrétiens esclaves des musulmans. Peut-on les chiffrer ?

Thomas Grimaux - Dans « Esclaves chrétiens, maîtres musulmans : L’esclavage blanc en Méditerranée (1500-1800) », de Robert-C Davis, l’auteur donne un chiffre terrible : « l’esclavage blanc pratiqué par ceux que l’on nommait alors les « Barbaresques » a bel et bien existé sur une grande échelle et constitué une véritable traite qui fit, durant près de trois siècles, plus d’un million de victimes. »

Zenit - Ainsi, vous passez en revue l’histoire musulmane, des premiers siècles de l’Hégire au médiatique Tarik Ramadan, en passant par les Frères Musulmans et les Saoud. Vous arrivez à notre époque où l’islamisme est, selon vous, la principale cause de l’antichristianisme. Sur quels éléments vous appuyez-vous pour le dire ?

Thomas Grimaux - Tout simplement sur les faits - et je passe en détail plusieurs pays, de l’Arabie Saoudite à l’Indonésie, du Pakistan aux Maldives, du Yémen au Nigeria, etc. Là, on peut voir, au quotidien, des pays où la charia s’applique et des pays où elle progresse et l’on constate une islamisation de l’Egypte, du Liban, de l’Algérie, de Gaza... Islamisation qui débute par la persécution sournoise, imposée par l’Etat ou par des lobbys, comme l’interdiction de vendre de l’alcool ou le port obligatoire du foulard...

Zenit - Mais en quoi le port du foulard est-il antichrétien ?

Thomas Grimaux - Sans rentrer dans le débat des Droits de la Femme, le foulard est antichrétien quand il est imposé, de droit ou de fait, aux chrétiennes !

Zenit - Cette persécution sournoise débouche-t-elle sur des actes violents ?

Thomas Grimaux - Malheureusement, toujours, dès que les groupes islamistes se sentent suffisamment forts. Mais je reviens sur mon argumentation. Elle repose donc sur l’expérience et l’observation des faits mais encore sur les textes des mouvements islamistes. Ceux de Ben Laden, contre les « Croisés » sont éclairants. Enfin, je scrute les manuels scolaires, les pratiques commerciales, les lois anti-conversion, etc.

Zenit - Vous concluez votre livre par une question très grave : vous prononcez le mot de « génocide » ?

Thomas Grimaux - M’appuyant sur les définitions courantes du génocide et m’appuyant sur les conclusions des raisonnements exprimés dans ce livre, je pose en effet la question. Je ne puis tout dire ici, mais d’après eux, les Arméniens ont-ils été persécutés ? Les chrétiens du Soudan l’ont-ils été ou le sont-ils ?

Zenit - Vous avez dit que ces persécutions sont « nouvelles » parce qu’elles sont « institutionnelles ». La récente résolution votée par le Parlement européen ne vous donne-t-elle pas raison dans votre analyse ?

Thomas Grimaux - D’abord un mot sur cette résolution du 15 novembre denier - et passée inaperçue dans beaucoup de grands médias : elle est fondamentale. C’est la première fois, en effet, que le Parlement européen vote un tel texte. Un texte qui dit clairement les choses. Un texte qui appelle un chat un chat. Un texte qui dénonce les crimes commis contre les chrétiens en tant que tels : les assassinats « de deux chrétiens assyriens (...) d’un prêtre chaldéen et de trois diacres » en Irak. Ceux de « de l’évêque protestant Arif Khan et de son épouse » au Pakistan et « l’attaque d’une église chrétienne, le bombardement (de) la Saint John Bosco Model School ». Le meurtre du « propriétaire d’une librairie chrétienne à Gaza », ceux « de deux jeunes coptes » en Égypte et « l’attaque lancée contre la maison d’édition chrétienne Zirve (Turquie), au cours de laquelle trois chrétiens ont été assassinés ». Qui condamne des systèmes étatiques antichrétiens : le Soudan pour noter « la gravité de la situation des communautés chrétiennes au Soudan, où les autorités de Khartoum continuent à réprimer ». La Chine, « où les autorités continuent à réprimer toute manifestation religieuse, notamment à l’encontre de l’église catholique dont bon nombre de ses membres et évêques sont emprisonnés depuis plusieurs années, et dont certains sont décédés en prison ». Le Vietnam, où « on enregistre une forte répression des activités de l’église catholique ».

Mais, surtout, cette résolution étonne par ses directives. Ainsi, elle « demande à la Commission et au Conseil de prêter une attention particulière à la situation des communautés religieuses, et notamment aux communautés chrétiennes, dans les pays où elles sont menacées lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des programmes de coopération et d’aide au développement en faveur de ces pays » ; et « de soulever la question de la situation des communautés chrétiennes dans le cadre du dialogue politique avec les pays où elles sont menacées ».

Zenit - Pour conclure, votre livre est un ouvrage grand public, facile à lire, sans pour autant être superficiel. Concrètement, vous montrez comment ceux que vous appelez les « nouveaux Néron » s’y prennent progressivement, par une persécution sournoise (juridique, médiatique, scolaire, économique) qui prépare le terrain à une persécution violente (incendies d’églises, exils forcés, agressions physiques, meurtres).

Thomas Grimaux - En effet, je tente d’allier mon expérience sur le terrain (qui donne des exemples concrets) à une étude des textes persécuteurs que je cite.

Zenit - Un dernier mot ?

Thomas Grimaux - C’est la première fois qu’un grand éditeur publie un tel livre. J’espère donc que les lecteurs seront au rendez-vous pour apprendre des choses et aussi pour montrer au monde de l’édition grand public qu’un tel sujet peut être « porteur ». Mais surtout, je souhaite que les lecteurs, chrétiens ou non, découvrent cette réalité terrible et, pour ceux qui le veulent bien, je les invite à prier pour les chrétiens persécutés et pour leurs bourreaux.

Pour une commande depuis la France métropolitaine d’un exemplaire dédicacé par l’auteur, s’adresser à « Culture de Vie » - 8, rue de la Motte - 53150 Saint Christophe du Luat (+ chèque de 16 euros + 4 euros de port). Ou renseignements à : persecutions.antichretiennes@club-internet.fr (160 pages - ISBN 13 : 978-2-8289-0984-0)