A crise exceptionnelle, initiatives exceptionnelles : le pape Benoît XVI écrit au Premier ministre britannique, qui accueille à Londres le « G 20 ».
Le pape, qui revient d’Afrique, et dont on attend l’encyclique sociale pour mai prochain, se montre habité par le souci des pays les moins développés. Il fait observer qu’il faut surmonter la crise en offrant « la sécurité aux familles et la stabilité aux travailleurs ». Il demande au G 20 d’entendre la voix des plus pauvres et de « restaurer l’éthique dans le monde financier ». Il encourage une « foi renouvelée dans la personne humaine » - spécialement les plus pauvres - et la promotion d’un « développement vraiment humain et intégral ».
La salle de presse du saint-Siège publie ce mardi soir la lettre de Benoît XVI, en date du 30 mars 2009, à M. Gordon Brown, à la veille du Sommet du « G 20 » de Londres, et la réponse du Premier ministre britannique, en date du 31 mars.
Benoît XVI assure de sa prière pour le sommet et souhaite que l’engagement des leaders participant au sommet puisse « affronter les urgences les plus graves de la situation mondiale », indique le communiqué du Vatican.
M. Gordon Brown a répondu immédiatement, le 31 mars, et il a manifesté son adhésion à l’appel de Benoît XVI, indiquant des lignes concrètes d’engagement pour y répondre.
Benoît XVI rappelle la visite de M. Brown au Vatican, le 19 février dernier (cf. Zenit du 19 février 2009). Le Premier ministre avait évoqué avec Benoît XVI ce sommet de Londres, indiquant que le but est, rappelle le pape, « de coordonner avec urgence, les mesures nécessaire pour stabiliser les marchés financiers et permettre aux compagnies et aux familles de surmonter cette période de profonde récession, de façon à restaurer une croissance durable dans l’économie mondiale, et de réformer et fortifier substantiellement le système de la gouvernance mondiale, de façon à s’assurer qu’une telle crise ne se reproduise pas à l’avenir ».
Benoît XVI exprime combien lui et l’Eglise catholique apprécient les « nobles objectifs » de ce sommet. Il dit en effet sa conviction que la crise ne peut être dépassée qu’ « ensemble », et qu’il faut éviter les solutions marquées par l’égoïsme nationaliste ou le protectionnisme.
Benoît XVI souligne qu’il écrit à son retour d’Afrique où il a rencontré des situations de « pauvreté sévère » et de « marginalisation », « que la crise risque d’aggraver dramatiquement ». En même temps, il témoigne des « ressources humaines extraordinaires » que ce continent peut « offrir au monde ».
Le pape fait observer que le sommet est limité - « pour des raisons pratiques » - aux pays qui représentent 90 % de la production mondiale et 80 % du commerce., et que l’Afrique sub-saharienne n’est donc représentée que par un seul Etat et des organisations régionales. Benoît XVI souhaite que cette situation pousse les participants à une « réflexion profonde » parce que « ceux dont la voix a moins de force sur la scène politique sont justement ceux qui souffrent le plus des effets néfastes de la crise dont ils ne sont pas responsables ».
« Plus encore, déclare le pape, sur le long terme, ce sont eux qui ont le plus de potentiel pour contribuer au progrès de chacun ».
Benoît XVI recommande donc de s’appuyer sur « les mécanismes et les structures multilatérales qui font partie des Nations unies et de leurs organisations associées » de façon à « entendre les voix de tous les pays et de s’assurer que les mesures » prises aient le soutien de tous.
Les crises sont « déclenchées » lorsque - « en partie du fait du déclin d’une conduite éthique correcte » - « ceux qui travaillent dans le secteur économique perdent confiance dans sa façon d’opérer et dans les systèmes financiers », fait observer le pape.
Pourtant, a ajouté le pape, la finance, le commerce et les systèmes de production sont des « créations humaines contingentes » qui, lorsqu’ils deviennent l’objet d’une « foi aveugle » portent en eux « les racines de leur propre ruine ».
C’est pourquoi il affirme : « la seule fondation véritable et solide est la foi dans la personne humaine », avec ce corollaire : « les mesures proposées pour contrôler cette crise doivent chercher, finalement, à offrir la sécurité aux familles et la stabilité aux travailleurs, et, par des régulations et des contrôles appropriés, restaurer l’éthique dans le monde financier ».
Pour Benoît XVI, la crise a fait surgir le « spectre » d’une « annulation » ou d’une « réduction drastique » des programmes d’assistance à l’étranger, spécialement pour l’Afrique ou les pays les moins développés.
Or, le pape fait observer que « l’aide au développement, y compris les conditions commerciales et financières favorables aux pays les moins développés et l’annulation de la dette extérieure des pays les plus pauvres et les plus endettés n’ont pas été la cause de la crise ».
Le pape souligne que du fait qu’une clef de la crise est un déficit éthique dans les structures économiques, elle enseigne donc elle-même que « l’éthique n’est pas extérieure à l’économie mais lui est intérieure, et que l’économie ne peut pas fonctionner si elle ne porte pas en elle une composante éthique ».
C’est pourquoi Benoît XVI encourage une « foi renouvelée dans la personne humaine » qui doit « façonner chaque étape en vue de la solution de la crise », et ceci en fortifiant de façon « courageuse et généreuse » la « coopération internationale » de façon à « promouvoir un développement vraiment humain et intégral ».
Plus encore, le pape encourage la foi « dans les hommes et les femmes les plus pauvres », d’Afrique et d’autres régions « affectées par la pauvreté extrême », pour sortir de la crise « une fois pour toutes », sans « tourner le dos à aucune région », et de façon à « prévenir tout retour d’une situation semblable ».
Enfin, Benoît XVI dit vouloir « joindre sa voix à celle des adhérents de différentes religions et de différentes cultures qui partagent cette conviction que l’élimination de la pauvreté extrême d’ici 2015, à laquelle se sont engagés les leaders du Sommet du millénium des Nations unies, demeure l’une des tâches les plus importantes de notre époque ».
Anita S. Bourdin