Qu’est-ce qu’évangéliser ?
L’évangélisation... réalité riche, complexe et dynamique qu’on ne peut saisir d’une manière partielle et fragmentaire. Au cours de ce Synode, Karol Wojtyla alors évêque de Cracovie, parle de la nécessité d’obtenir « un concept intégral d’évangélisation ». Dans Evangelii nuntiandi, Paul VI va particulièrement appliquer cette méthodologie de l’intégration dans le chapitre 2 intitulé : « Qu’est-ce qu’évangéliser ? ». Ce chapitre présente une définition juste et complète de ce qui constitue l’action évangélisatrice de l’Église.
Il insiste sur la nécessité d’une compréhension intégrale pour « embrasser du regard tous les éléments essentiels [de l’évangélisation] » (EN, 17). Sans cette « vision globale » (EN 24), il est impossible d’avoir une compréhension convenable de l’évangélisation. Dans le dernier numéro de ce chapitre deux (EN, 24), Paul VI affirme : « L’évangélisation, avons-Nous dit, est une démarche [un processus] complexe, aux éléments variés : renouveau de l’humanité, témoignage, annonce explicite, adhésion du cœur, entrée dans la communauté, accueil des signes, initiative d’apostolat. Ces éléments peuvent apparaître contrastants, voire exclusifs. Ils sont en réalité complémentaires et mutuellement enrichissants. Il faut toujours envisager chacun d’eux dans son intégration aux autres. La valeur du récent Synode a été de nous avoir constamment invités à composer ces éléments, plutôt qu’à les opposer entre eux, pour avoir la pleine compréhension de l’activité évangélisatrice de l’Église. ».
Dans le premier numéro de ce chapitre sur la « complexité de l’action évangélisatrice », Paul VI fait non seulement référence au Synode de 1974, mais aussi aux travaux du Concile Vatican II. Les éléments variés, essentiels et complémentaires de l’évangélisation « se situent, au fond, dans la ligne de ceux que le Concile Vatican II nous a transmis, surtout dans les Constitutions Lumen gentium, Gaudium et spes et dans le Décret Ad gentes » (EN, 17).
Il est difficile d’approfondir tous les liens qui existent entre les textes du Concile Vatican II et l’Exhortation apostolique de Paul VI sur l’évangélisation. Cette recherche aurait été intéressante pour montrer à quel point la lettre de Paul VI et l’expérience du Synode de 1974 sont intérieurement constitutives de l’événement concilaire. Elle nous permettrait de découvrir le noyau le plus intime du Concile Vatican II dans sa visée apostolique, missionnaire et évangélisatrice.
Les étapes de l’œuvre missionnaire
La « complexité de l’action évangélisatrice » a toutefois déjà été abordée de manière explicite et détaillée dans le Décret sur l’Activité missionnaire de l’Église Ad gentes au chapitre deux intitulé : « L’oeuvre missionnaire elle-même ». L’action évangélisatrice est située dans le cadre précis de la mission ad gentes. Les étapes et tous les éléments essentiels de l’évangélisation sont décrits dans le contexte missionnaire de l’implantation de nouvelles Églises particulières. Ainsi, dans l’oeuvre missionnaire se déploie une série d’étapes :
le témoignage de la vie (n°11)
la présence de charité (n°12)
évangélisation et conversion (n°14)
formation de la communauté chrétienne (n°15)
établissement du clergé local.
Sur cette question, la lettre de Paul VI ne présente aucune originalité particulière sinon qu’elle permet un résumé succinct des éléments essentiels de l’évangélisation, une synthèse géniale de l’activité évangélisatrice tout en rappelant avec précision le but de toute action évangélisatrice.
Le but de toute action évangélisatrice
Les numéros 18-20 rappellent en quelque sorte le mandat missionnaire de l’Église. Le numéro 18 situe clairement le but visé par l’action évangélisatrice : le renouvellement de l’humanité par la conversion. À ce sujet, Paul VI s’appuie sur de très nombreuses références bibliques. Le numéro 19 précise jusqu’où va cette évangélisation. Il ne s’agit pas seulement d’étendre géographiquement l’Évangile de la Bonne Nouvelle mais bien de l’insérer dans toutes les sphères de l’activité humaine. Le numéro 20 insiste sur la nécessaire évangélisation des cultures. La rupture entre ces deux réalités représente pour Paul VI « le drame de notre époque ». Ici le texte de Gaudium et spes (53) est d’un très grand secours, puisqu’il établit les balises théologiques et spirituelles pour une compréhension juste et féconde du rapport entre culture et foi. La culture garde tout son sens et toute sa richesse lorsqu’elle considère la valeur de la personne et de ses relations avec les autres personnes et avec Dieu.
Est ainsi précisé le but de l’évangélisation, jusqu’où et dans quels milieux elle pouvait s’effectuer. Le numéro 21 approfondit l’importance primordiale du témoignage de vie. Ici, nous sommes à la 2e étape première du processus d’évangélisation.
Numéro 22 : nécessité d’une annonce explicite, claire et sans équivoque du Seigneur Jésus. Une mise en garde est exprimée. Bien que cette annonce soit nécessaire, qu’elle occupe une place prépondérante et qu’elle prenne la forme de kérygme, de prédication ou de catéchèse, l’évangélisation ne peut se réduire à un aspect unique.
Le numéro 23 indique le fruit du témoignage de vie et de l’annonce explicite qui est l’adhésion vitale et communautaire à Jésus et à l’Église, « sacrement visible du salut ».
À cette dernière expression, une note importante est donnée pour référer aux textes conciliaires de Lumen gentium, Gaudium et spes et Ad gentes. Il vaut la peine de souligner également que le terme « adhésion » dans ce seul paragraphe revient 7 fois.
Cette adhésion du coeur conduit à une 5e étape du processus d’évangélisation, c’est-à-dire à l’entrée dans la communauté suivie de l’accueil des signes (6e étape) : d’abord, le grand signe qu’est l’Église, sacrement visible du salut ; ensuite, de nombreux autres signes : l’accueil de la Parole, des sacrements, de la grâce.
Au terme de toutes ces étapes, Paul VI nous donne le critère ultime d’une action évangélisatrice réussie : « Finalement, celui qui a été évangélisé évangélise à son tour. C’est là le test de vérité, la pierre de touche de l’évangélisation. » (EN, 24).