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 - 20 mars 2024 - Saint Herbert
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Analyses

La Passion de Mel Gibson : trop, c’est trop ?

Le film sur la Passion du Christ a conquis l’Amérique, mais ses détracteurs n’en démordent pas : pourquoi tant de violence ? Les croyants eux-mêmes se posent la question...

C’est vrai : la violence présentée aux écrans dépasse les limites du supportable. La flagellation, en particulier, est une scène de torture insoutenable. On y voit la chair arrachée par l’acharnement des bourreaux, les plaies béantes jusqu’à l’os, le corps qui se tort dans son propre sang... Et que dire de la Crucifixion, avec les soldats qui démettent l’épaule de Jésus pour pouvoir enfoncer les clous qui font gicler le sang ?

Et que l’on ne vienne pas nous dire comme toujours : “si cela vous choque, fermez les yeux !” Car même ainsi la violence nous transperce. Marie, dans le film, est tellement frappée qu’elle se détourne de la flagellation ; mais sa douleur n’en fait qu’augmenter. Alors le spectateur crie spontanément, comme Simon de Cyrène un peu plus tard : “Ça suffit !” Il faudrait vraiment avoir un cœur inhumain pour ne pas être choqué et révolté par ces scènes.

Or toute cette violence a été directement voulue, étudiée, choisie par Mel Gibson. Il en a réglé les détails avec minutie et l’a épaulée par la musique qui accroît encore la force des images. En allant au-delà de ce que l’Evangile, déjà très cru, nous en présente. N’a-t-il pas exagéré ?

En fait, est-il bon de montrer la violence ? Spontanément nous répondons NON : surtout si cette violence est approuvée ou gratuite. Qui ne condamnerait un film faisant l’apologie du meurtre, par exemple ? Ce qui nous scandalise - à juste titre - dans bon nombre de films contemporains, c’est cette tendance vicieuse à se complaire dans le mal. Le film de Gibson tomberait-il sous la même accusation ?

Notons qu’il est parfois bon de montrer une certaine violence : pour nous révéler celle qui est en nous, qui peut surgir à chaque instant et nous conduire, comme David, jusqu’au crime. C’est pour déranger notre bonne conscience que la Bible nous présente tant de trahisons, pillages et guerres. Et, pour accomplir le devoir de mémoire au terme du XXème siècle, n’exhibe-t-on pas avec raison les archives insoutenables des barbaries modernes ?

Quelle est, au juste, l’intention de Mel Gibson ? Il le répète lui-même : ce film n’est ni un documentaire sur la Passion, ni une apologie de la violence. C’est une méditation personnelle de ce que nous présente l’Evangile. Et, à ce titre, la violence n’est pas voulue pour elle-même : comme pour Jésus, elle est une manifestation d’amour. D’un amour extrême, qui assume une violence extrême. La rejeter, ne serait-ce pas en quelque manière repousser l’oeuvre du Salut ?

Il est vrai que cela requiert la foi. Mettons-la donc un instant entre parenthèses pour mieux analyser le film lui-même. On y voit un homme, Jésus, confronté à ses ennemis qui s’acharnent sur lui et lui affligent un supplice ignoble. Grâce aux flash-back (surtout la dernière Cène), cet homme nous conquiert par sa personnalité lumineuse, sa bonté, sa force, son innocence. On comprend qu’il accepte cette violence, qu’elle est pour lui une mission. C’est là tout le sens de la première scène, Gethsémani, qui nous plonge dans le mystère de cet homme. Et l’on reste stupéfait, comme le grand Prêtre lui-même, devant ses paroles de pardon depuis la Croix. Ces paroles de l’Evangile, que l’on entend si souvent, mais qui se montrent enfin dans tout leur héroïsme...

On y voit aussi sa mère. Quelques scènes de la vie cachée (la chute de l’enfant, la confection d’une table...) nous révèlent la profonde union de ces deux cœurs. Le spectateur est ainsi porté à vivre la Passion à l’école de cette mère si forte : l’émotion la plus grande, celle qui provoque les larmes, ce ne sont pas les effusions de sang, mais plutôt cette scène où Marie accourt aux côtés de son Fils pour le soutenir. Qui resterait insensible devant le supplice d’une mère qui voit son fils dans un tel état ? A tel point que de nombreux groupes protestants, enthousiasmés par le film aux Etats-Unis, s’interrogent à présent sur la mariologie... et le dialogue œcuménique en est favorisé !

La violence n’est donc absolument pas gratuite : on reste révolté et impuissant devant la Passion, mais cette souffrance est assumée par le Christ, en union avec ce trio qui le suit pas à pas : Marie, Jean, Marie-Madeleine. Chaque spectateur est renvoyé devant sa propre conscience : Pourquoi tant de haine contre cet homme ? Pourrais-je y avoir part ? Quel rôle serait le mien ?

C’est alors que la foi peut intervenir : et son premier effet, paradoxalement, est d’accroître la souffrance du spectateur. Plus on aime une personne, plus sa douleur nous touche. Et le chrétien s’identifie spontanément à Marie-Madeleine (Maria Bellucci) : ce Jésus que l’on torture, c’est mon Seigneur et mon Dieu, Celui qui me sauve de mon péché ! Je sais qu’Il accepte tout cela par amour : comment pourrais-je rester indifférent, ne pas lui rendre amour pour amour ? Un des plus belles scènes est ainsi celle de Véronique, qui nous invite à ne pas nier la Passion, mais d’essuyer par nos œuvres et notre fidélité le visage ensanglanté de Jésus.

Non seulement la foi aide à comprendre le film, mais elle en sort même renforcée : pour l’Eucharistie, par exemple, puisque l’étroite connexion entre la dernière Cène et la Crucifixion est admirablement traitée. Lorsque les soldats dépouillent le Christ de sa tunique, on voit l’offrande du pain au Cénacle... et l’on entend les paroles mêmes de la Consécration ! Tout l’enseignement de Jésus est évoqué, comme les Béatitudes, le Bon Pasteur... Nul doute que cette œuvre deviendra un instrument privilégié de catéchèse. Elle répond d’ailleurs pleinement à l’invitation du Pape à contempler le visage du Christ à travers le cœur de sa Mère...

On comprend dès lors que ce film, comme l’Evangile qu’il interprète, soit une pierre de scandale : un appel à la conversion pour tous. Certains resteront comme Pilate, se demandant Quid est veritas ? D’autres, comme le centurion ou Simon de Cyrène, se demanderont Qui est cet homme ?
Les croyants, eux, y trouveront un aliment exceptionnel pour la méditation, une nouvelle proclamation de la folie de l’Evangile. Comme le disait un Cardinal sous le choc : Désormais, je ne pourrai plus célébrer la messe de la même manière...



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