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 - 18 avril 2024 - Saint Parfait
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Analyses

Comment évangéliser un peuple en tenant compte de sa culture

L’annonce d’une même foi sur tous les continents. Tel est l’appel lancé par le Christ à ses disciples d’hier et d’aujourd’hui. Mais comment le faire en tenant pleinement compte de la culture à laquelle on s’adresse ? Réponse avec le père Martin Pradère, prêtre de la Communauté de l’Emmanuel et auteur du livre « De toutes les nations, faites des disciples, pour une évangélisation respectueuse des cultures », qui a accordé cet entretien à Zenit.

Zenit - Inculturation : ce mot énigmatique semble pourtant incontournable quand on évoque la nouvelle évangélisation. De quoi s’agit-il ?

P. Martin Pradère - Ce néologisme désigne le processus à double facette qui accompagne la mission : d’une part l’évangélisation des cultures, d’autre part l’assomption des richesses de ces cultures dans le patrimoine de l’Église, pour que celle-ci devienne toujours plus catholique, c’est-à-dire universelle.

Zenit - Pourquoi cette question de l’inculturation se pose-t-elle aujourd’hui avec tant d’intensité ?

P. Martin Pradère - L’extraordinaire épopée missionnaire des dix-neuvième et vingtième siècles a conduit à l’avènement de jeunes Églises en Afrique, en Asie et en Océanie, qui ont revendiqué à juste titre la prise en compte de leur patrimoine culturel dans l’expression de leur foi. Ce processus est rendu urgent aujourd’hui à cause du phénomène de la mondialisation. Celui-ci entraîne en effet des mutations très rapides des comportements collectifs qui risquent de faire disparaître les trésors de sagesse de traditions séculaires.

Zenit - Arrivait-il à nos prédécesseurs dans la foi de faire de l’inculturation sans le savoir ?

P. Martin Pradère - En réalité, le processus de l’inculturation est aussi ancien que l’histoire du salut. Le peuple d’Israël a su intégrer dans l’Ancien Testament, tout en les purifiant, les richesses des cultures d’Asie (Mésopotamie, Canaan, Perse...), d’Afrique (Égypte) et d’Europe (Grèce) qu’il a rencontrées au cours de son histoire. Depuis la Pentecôte, l’Église, issue de cette racine juive, s’est ouverte elle-même très vite aux richesses des nations païennes pour proclamer le Christ ressuscité dans toutes les langues et toutes les cultures.

Zenit - Quels sont les dangers d’une inculturation mal comprise ?

P. Martin Pradère - Le risque aujourd’hui est que l’inculturation soit perçue avant tout comme une démarche de libération face à la domination culturelle des Églises d’Europe, à cause des blessures laissées par l’histoire. Le synode pour l’Asie, par exemple, a mis en lumière ce fait étonnant : Jésus, qui est asiatique, demeure caché dans sa propre patrie parce que les Asiatiques le voient plutôt comme un occidental. Dans les Églises d’Afrique, l’opinion selon laquelle le christianisme a été au service de la colonisation est souvent exprimée dans les milieux intellectuels. Par réaction, l’inculturation peut être perçue comme un processus identitaire qui risque de conduire à une juxtaposition de particularismes plutôt qu’à l’expression symphonique de la même foi dans les différentes cultures.

Zenit - Comment éviter ces risques ?

P. Martin Pradère - Une évangélisation et une catéchèse en profondeur sont nécessaires pour s’attacher toujours plus à la personne du Christ qui transcende les cultures. Dans ce sens, il me semble qu’une meilleure connaissance de la Bible, Ancien et Nouveau Testament, peut aider à désamorcer beaucoup de faux débats. Les chrétiens d’Europe, d’Asie et d’Afrique peuvent y retrouver en Jésus Christ leur racine spirituelle commune, le monde juif, et entrer ainsi plus facilement dans une vraie communion. Par ailleurs, la Bible permet de relire les cultures en faisant ressortir les « semences du Verbe » qui s’y trouvent déjà mais aussi ce qui, en elles, doit être purifié. Inversement, les cultures permettent de relire l’Écriture dans la Tradition vivante de l’Église, et dans la fidélité au Magistère.

Zenit - On parle beaucoup de l’impérieuse nécessité d’une nouvelle évangélisation de nos pays de la vieille Europe. Le retour à nos racines juives et bibliques, tel que vous l’évoquez, peut-il être également appliqué à nos civilisations occidentales ?

P. Martin Pradère - Oui, je le pense. Dans son fameux discours de Ratisbonne qui a été si mal compris, le pape Benoît XVI a montré, à partir de l’Écriture notamment, que l’identité de l’Europe est liée à la rencontre entre la foi judéo-chrétienne et la philosophie grecque. L’Europe a besoin de retrouver aujourd’hui ce dialogue fécond entre la foi et la raison qui a tant marqué son histoire. La redécouverte de la racine juive et biblique peut en particulier aider notre continent « désenchanté » à retrouver le sens et l’amour de la vie à la lumière du Christ ressuscité.



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