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 - 26 avril 2024 - Bse Alida
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Analyses

Pensées de Benoît XVI sur le dialogue avec l’islam

Nous publions le texte du discours prononcé le 16 janvier dernier par le Cardinal Angelo Scola, Patriarche de Venise, durant l’Intercultural Forum for Studies in Fait hand Culture de Washington.

Intervention du cardinal Angelo Scola, Patriarche de Venise.

1. La centralité du dialogue interreligieux

A l’occasion de la rencontre avec les représentants de diverses communautés musulmanes en Allemagne le 20 août 2005, le Pape Benoît XVI a fermement répété que « le dialogue interreligieux et interculturel entre chrétiens et musulmans ne peut pas se réduire à un choix saisonnier. C’est en fait une nécessité vitale, dont dépend en grande partie notre futur ». Ainsi, le Pape reprenait une conviction personnelle concernant le dialogue interreligieux, qu’il avait exprimée il y a longtemps dans son célèbre livre Le nouveau peuple de Dieu. En effet, dans cette œuvre, le théologien Joseph Ratzinger soutenait : « Cette conscience de l’intérêt du fait chrétien avec l’histoire spirituelle et religieuse de l’humanité, où sa particularité unique n’est plus très visible ou disparaît entièrement, rentre dans les interrogations les plus angoissantes du chrétien de notre temps. Elle est devenue une crise évidente et inévitable de sa foi : la découverte de l’ample relativisation de l’histoire, qui est tombée presque physiquement sur le monde devenu petit, constitue, avec la découverte de l’ampleur infinie du cosmos qui semble se moquer de chaque anthropocentrisme, le vrai ferment de la crise de la foi, en face de laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Et c’est pour cela que le rapport du christianisme avec les religions du monde est devenu aujourd’hui une nécessité interne pour la foi : il ne s’agit pas d’un jeu de curiosité, qui voudrait construire une théorie du destin des autres -ce destin seul Dieu le décide, Dieu qui n’a pas besoin de nos théories (...) Mais aujourd’hui il y a plus en jeu : le sens de notre pouvoir et devoir croire. Les religions du monde sont devenues une question pour le christianisme, qui face à lui-même doit réfléchir d’une manière nouvelle sur ses exigences et en reçoit donc au moins un service de purification, deviné dans une première ébauche, pour que le christianisme puisse comprendre de telles religions dans leur devoir-être concernant l’histoire de la salvation ». [1]

2. Deux critères pour le dialogue interreligieux

Une fois reconnues la centralité du dialogue interreligieux, il est important maintenant d’établir quelques critères basiques auxquels Benoît XVI fait référence. Ils pourront être objet de discussions et d’approfondissement dans notre dialogue. Il n’est pas possible dans cette courte introduction d’offrir une présentation systématique de ces critères. Je me limite donc à fournir deux critères, renonçant même à les présenter de manière homogène.

a) Religions et bonne vie

Le premier, non en ordre d’importance mais parce qu’il est plus pacifique, fut mis en évidence par le Saint Père significativement surtout dans les discours concernant les croyants musulmans. Il rappelle le fait que le dialogue est propre à chaque fidèle en tant que membre du peuple de Dieu ou de la communauté musulmane. Cela se voit surtout si on considère que chaque homme est constitutivement inséré dans la société et, pour cette raison, est appelé à édifier la bonne vie de la société dans laquelle il vit. En ce sens le Pape rappelle avec insistance la nécessité pour les hommes des religions de parcourir une route commune : « les religions pourront faire leur part dans l’affrontement des nombreux défis contre lesquels nos sociétés se confrontent actuellement. Sûrement, la reconnaissance du rôle positif que développent les religions au sein du corps social peut et doit encourager nos sociétés à approfondir toujours plus leur connaissance de l’homme et à en respecter toujours mieux la dignité, le mettant au centre de l’action politique, économique, culturelle et sociale. Notre monde doit prendre toujours plus conscience du fait que tous les hommes sont profondément solidaires, et les inviter à mettre en relief leurs différences historiques et culturelles, non pas pour s’affronter, mais pour se respecter réciproquement » (Rencontre avec le Corps Diplomatique à la Nonciature Apostolique d’Ankara, 28 novembre 2006).

b) Foi, raison et religions

Le second critère, plus ardu, est celui mis particulièrement en évidence par la célèbre leçon à l’université de Ratisbonne. Il concerne notre foi, raison et religion, et la capacité de la raison humaine à saisir tel lien. A ce sujet, le Saint Père à Ratisbonne a affirmé : « la théologie (...) comme théologie vraie et propre, c’est-à-dire comme interrogation sur la raison de la foi, doit avoir sa place dans les université et dans le vaste dialogue des sciences. C’est ainsi que nous devenons capables d’un véritable dialogue des cultures et des religions -un dialogue dont nous avons un besoin urgent (...)Une raison qui reste sourde au divin et repousse la religion dans le domaine des sous-cultures est inapte au dialogue des cultures.(...) Pour la philosophie et, d’une autre façon, pour la théologie, écouter les grandes expériences et les intuitions des traditions religieuses de l’humanité (...) constitue une source de connaissance à laquelle se refuser serait une réduction inacceptable de notre faculté d’écouter et de trouve des réponses (...) Le courage de s’ouvrir à l’ampleur de la raison et non de nier sa grandeur - tel est le programme qu’une théologie se sachant engagée envers la foi biblique doit assumer dans le débat présent. ».
Cette longue citation du discours de Ratisbonne peut nous aider à identifier quelques éléments essentiels qui pourront être objet de notre dialogue. Le rapport correct entre foi, raison et religions, tel qu’il puisse être saisi par la raison humaine quand il ne cède pas aux réductionnismes, constitue deux aspects toujours liés et auxquels on ne peut renoncer dans le dialogue.

c) le principe d’intégration

Nous pouvons identifier le premier avec le principe d’intégration. En quoi consiste-t-il ? Décrivons-le avec les mots de Hans Urs von Balthasar. Le théologien reconnaît la nécessité d’une confrontation à tous niveaux sur les contenus même des religions. Ainsi « naîtra quelque chose comme une échelle de vérités reconnaissables, qui peuvent se coordonner selon le principe : “plus on a de vérité, plus on a de raison et de droit” (...) Qui est éventuellement en mesure d’intégrer le maximum de vérité dans sa vision possèderait la présomption d’une vérité la plus grandement vraie. » [2]. Dans cette optique, il est possible de saisir pourquoi le Saint Père propose de concevoir unitairement le dialogue proprement interreligieux et celui interculturel. En effet, est réductive une définition de culture qui ne prend pas en compte la dimension religieuse, constitutive des questions ultimes de la raison (qui suis-je ? d’où je viens ? où vais-je ?)

d) Vérité et liberté

Le second aspect indispensable au dialogue concerne le rapport entre vérité et liberté. En effet, s’il est vrai qu’on ne peut renoncer au principe d’intégration parce que la recherche de la vérité propre aux religions l’exige, en même temps lui seul ne réussit pas à saisir l’horizon fini de la vérité. La vérité par sa nature demande l’acte de liberté qui se dispose à y correspondre. Le principe d’intégration ne peut ne pas s’incliner devant la « liberté de Dieu dans sa propre révélation » [3], proposant une sorte de savoir absolu, de caractère hegelien. Le même principe doit aussi respecter la vérité de la liberté finie de l’homme, laquelle est appelée à accueillir la proposition de vérité, et non la subir ! Voici pourquoi le même Balthasar parle de la vérité en termes d’ « amour qui se donne dans la liberté (“seul l’amour est crédible”) » [4]. Le Pape parle lui aussi, d’une manière remarquable, de cet aspect décisif pour le dialogue interreligieux quand, dans le Message à l’occasion du XX anniversaire de la Rencontre Interreligieuse de Prière pour la Paix (2 septembre 2006), il a voulu expressément parler du « langage du témoignage ».

Les chrétiens et les musulmans en particulier doivent témoigner, dans le dialogue réciproque, de leur foi dans le Dieu unique et dans l’inéliminable distance - constamment présente dans la foi islamique - entre Créateur et créature. Ils ne doivent cependant pas sous-estimer les différences à partir du monothéisme trinitaire décisif pour le christianisme. En défendant ensuite la liberté de religion dans une société civile avec un dialogue continu et franc, le Christianisme et l’Islam sont appelés à témoigner que chaque forme de violence est par sa nature opposée à l’authentique raison d’être de la religion en tant que telle.

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[1] J. RATZINGER, Il nuovo popolo di Dio, Queriniana, Brescia 1971, 391-392.
[2] H. U. VON BALTHASAR, La mia opera ed epilogo, Jaca Book, Milano 1994, 97-98.
[3] Ibid., 98.
[4] Ibidem.



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