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 - 25 avril 2024 - Saint Marc
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Analyses

Se positionner face au Téléthon

A la veille de l’édition 2007 du Téléthon et alors qu’en France se profile la révision prochaine de la loi de bioéthique, voici un interview de Pierre-Olivier Arduin, responsable de la commission bioéthique du diocèse de Fréjus-Toulon, auteur de La Bioéthique et l’embryon, publié aux Editions de l’Emmanuel.

Zenit - Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire La Bioéthique et l’embryon ?

P.-O. Arduin - La formidable controverse éthique sur la participation financière au Téléthon a incontestablement ébranlé la chape de plomb qui recouvrait les multiples atteintes à l’embryon dans notre pays. Ce fut pour de nombreux observateurs, contre toute attente, le retour d’une prise de parole forte des catholiques dans l’espace public en ce qui a trait à la protection de la vie humaine dans sa phase originelle. J’ai alors éprouvé le désir d’approfondir, bien au-delà du problème spécifique des fonds récoltés par le Téléthon dont on sait qu’une partie est orientée vers la recherche sur l’embryon humain, les grandes problématiques bioéthiques contemporaines qui ne cessent de surgir dans nos sociétés postmodernes. Je dirais aussi que la fréquentation des textes du Magistère de Jean-Paul II et de Benoît XVI a été un puissant stimulant pour m’engager dans l’écriture.

Zenit - Quels sont les enjeux majeurs que vous souhaitez mettre en avant ?

P.-O. Arduin - L’ouvrage est structuré en différents chapitres dont chacun voudrait être une réflexion sur un défi majeur de la bioéthique. Chaque enjeu a d’ailleurs été le fruit d’un débat plus ou moins approfondi dans la polémique de l’année dernière. Que ce soit par exemple le statut éthique et juridique de l’embryon, la diffusion de l’eugénisme, les aspects scientifiques et moraux de la recherche sur les cellules souches. J’ai souhaité aussi prendre de la hauteur en évoquant l’instrumentalisation du langage à l’œuvre dans les discussions, en menant une réflexion sur la technoscience et l’éthique du consensus qui empoisonne les enceintes modernes où se prennent les décisions. Une ligne directrice essentielle fut aussi de montrer que se joue aujourd’hui un choc culturel et moral, entre d’une part la dictature du relativisme et d’autre part, le Magistère de l’Eglise qui apparaît comme le seul rempart à la culture de mort et le porte-voix d’une conscience morale universelle.

Zenit - La Bioéthique et l’embryon est-il accessible à une population peu avertie sur la bioéthique ?

P.-O. Arduin - Si je n’ai pas souhaité tomber dans les slogans réducteurs et la simplification d’enjeux qui sont complexes, j’ai eu à cœur de travailler en essayant de répondre à l’appel du Saint-Père Benoît XVI lorsqu’il a reçu les participants de l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale pour la Vie en février de cette année. Il nous demandait en effet de nous « consacrer à la formation des jeunes et des familles » et de redonner confiance à la « capacité de la raison à percevoir la vérité ». C’est donc pour des personnes non spécialistes que j’ai rédigé ce livre. Les témoignages de jeunes ou d’adultes qui l’ont lu et ont ce désir d’être des apôtres au service d’une nouvelle culture de vie est bien sûr un très fort encouragement.

Zenit - Quelles sont vos attentes avec la parution de cet ouvrage ? S’il s’agit d’ouvrir un débat éthique, quels partis souhaiteriez-vous voir se prononcer ?

P.-O. Arduin - Que cet ouvrage puisse participer avec beaucoup d’autres contributions et initiatives au réveil des consciences est mon souhait le plus intime. Je pense que les laïcs engagés dans la cité, que ce soit dans le monde de l’enseignement, du soin ou de la politique, doivent résolument s’emparer de ces sujets de société. C’est indéniablement une des grandes perspectives de la nouvelle évangélisation en France et en Europe. C’est pourquoi je souhaite également de tout cœur que les Evêques continuent à s’exprimer de plus en plus sur des questions qui engagent le devenir de nos démocraties. C’est ce que vient de faire avec force le Cardinal André Vingt-Trois dans son discours d’intronisation en tant que nouveau président de la Conférence des Evêques de France, rappelant que « nous ne pouvons rester comme des chiens muets quand nous voyons se développer une instrumentalisation rampante de la personne humaine ».

Les fidèles ont une immense soif de cette parole provenant de leurs Pasteurs. Pas seulement les fidèles, oserais-je ajouter, mais aussi beaucoup d’hommes et de femmes de bonne volonté. Je suis frappé de voir combien les prises de position de personnalités ecclésiastiques compétentes sont prises très au sérieux par de nombreux intellectuels. La récente déclaration de Mgr Sgreccia, président de l’Académie pontificale pour la Vie, sur la création d’embryons chimériques en Grande-Bretagne, qu’il a qualifiée d’atteinte monstrueuse à la dignité humaine ou le commentaire du Cardinal Levada, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, sur le statut de l’alimentation artificielle des patients en état végétatif persistant ont eu un grand impact dans les esprits.

La recherche d’un débat franc et cordial avec les responsables politiques et le monde bioéthique « laïque » doit être une de nos grandes priorités dans les mois à venir.

Zenit - L’AFM (l’Association Française contre les Myopathies), dont le Téléthon est le moyen de collecte principal, soutient des programmes de recherche sur des cellules souches embryonnaires. Dans quelle mesure votre ouvrage peut-il aider les hommes de bonne volonté à se positionner par rapport au Téléthon 2007 (7 et 8 décembre prochains) ?

P.-O. Arduin - Jean-Paul II l’a souvent explicité, s’engager pour le respect de la vie humaine dès sa conception ne consiste pas à « imposer aux non-croyants une perspective de foi mais à interpréter et à défendre les valeurs fondées sur la nature même de l’être humain » (Novo millennio ineunte, 6 janvier 2001). Nous sommes donc dans une démarche qui n’est pas strictement confessionnelle mais rationnelle. J’ai donc souhaité m’enraciner dans la loi morale naturelle qui a toujours pris comme point de référence la protection de l’être humain dans sa réalité constitutionnelle incontournable en tant que source et couronnement de l’organisation de la cité. Pour que la bioéthique ne sombre pas définitivement, j’ai voulu montrer qu’elle ne peut aucunement s’affranchir du fait que le premier bien fondamental, et donc le premier droit, d’un être humain quel qu’il soit, est sa propre vie. Toute pratique qui pourrait conduire à sa suppression doit être considérée comme la plus grande violence qui puisse lui être infligée. C’est ce que déclare notre Code civil en son article 16-1, malheureusement constamment contourné : « La loi garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ». La reconnaissance de la dignité inaliénable de l’embryon est le critère métaéthique et transpolitique capable d’orienter et surplomber tout le discours bioéthique actuel. Encore une fois, ce n’est pas d’abord une valeur confessionnelle, même si toute l’anthropologie chrétienne le confirme éminemment, mais un point de référence sûr pour la convivialité et la paix entre les hommes.

Si la controverse du Téléthon a surgi avec force persuasion, n’est-ce pas justement parce que le plaidoyer de l’Eglise en faveur de l’embryon est extrêmement cohérent et argumenté au point d’ébranler le système relativiste contemporain ?

Zenit - L’AFM finance de nombreux projets d’aide aux malades visant à améliorer leurs conditions de vie (techniques innovantes, meilleures prises en charges techniques et humaines...). En se positionnant contre le Téléthon, ne décourageons-nous pas la mise en place d’actions importantes pour des familles touchées par la maladie ?

P.-O. Arduin - Nous avons bien sûr toujours pris soin de distinguer la souffrance des familles frappées par la maladie et la transgression morale de la réduction de l’embryon humain à l’état de moyen financée par une partie des dons recueillis. A aucun moment il n’a été question de stigmatiser des familles durement éprouvées ni de décourager les professionnels de la santé et les scientifiques qui soignent et cherchent des thérapies innovantes et éthiques pour le bien des malades. Certains parents ont confirmé notre prise de position en s’exprimant publiquement dans les médias. Je pense à ce père d’un enfant myopathe décédé à 18 ans et grand-père d’un petit-fils lui aussi atteint, qui a écrit au Figaro : « Il s’est fait rapidement une dérive dans le cadre du Généthon alimenté par le Téléthon, dont le but est de tamiser les embryons par le diagnostic préimplantatoire (...). En pratique, nos malheureux enfants servent de canard d’appel pour obtenir de l’argent servant à éliminer d’autres myopathes ».

Sur le plan scientifique, nous avions, dès la publication de la note diocésaine à l’origine de la polémique, mis en valeur les résultats prometteurs obtenus à partir des cellules souches adultes. Le Congrès sur la médecine régénératrice organisé par l’Académie pontificale pour la Vie auquel nous avions pu participer en septembre 2006 avait prouvé la supériorité éthique et biomédicale des cellules souches non embryonnaires. Le Saint-Père avait loué cette convergence entre la haute qualité des travaux scientifiques présentés et une éthique personnaliste qui respecte l’être humain venant d’être conçu. Parce que nous n’avons jamais oublié les malades, nous avons mis à l’honneur ces thérapies novatrices en invitant à l’Evêché de Fréjus-Toulon le professeur McGuckin et le docteur Forraz, des scientifiques qui ont découvert des cellules souches aux capacités exceptionnelles de différentiation dans le sang du cordon ombilical. C’est d’ailleurs en collaboration avec eux que la Fondation Jérôme Lejeune propose le projet très abouti Novus sanguis, un consortium international réunissant des chercheurs de très haut niveau travaillant sur ces entités cellulaires.

Zenit - La loi bioéthique autorise aujourd’hui la recherche sur les embryons in vitro sans projet parental à des fins thérapeutiques. Une révision de la loi est prévue en 2009. Quelles pourraient être les conséquences de la révision de la loi bioéthique en 2009 si l’on ne se mobilise pas ?

P.-O. Arduin - Les rapports parlementaires et autres avis éthiques publiés ces derniers mois entament de manière toujours plus inquiétante le droit intangible à la vie de l’être humain. Se parant des atours de l’expertise scientifique, les recommandations émises sont déconnectées de toute exigence de vérité. L’idéologie utilitariste, qui comble l’espace vide laissé par un relativisme radical, exige de sacrifier le plus petit et le plus fragile d’entre nous pour d’hypothétiques biens à venir. Création de cybrides ou embryons homme-animal, clonage dit scientifique, autorisation des mères porteuses, ouverture des techniques de PMA aux femmes homosexuelles, les transgressions à venir sont déjà mises sur la table des discussions par des personnalités influentes sous prétexte de débat démocratique. On a même parfois l’impression que les plus outrancières d’entre elles sont envisagées comme une diversion pour faire adopter plus facilement dans la prochaine loi une libéralisation totale de la recherche embryonnaire. On nous dira alors qu’on a évité le pire ! Notre crainte est que le législateur ne s’engage dans cette voie sans issue aboutissant en 2009 à une instrumentalisation définitive de l’embryon humain inscrite dans le marbre de la loi. Cette éventualité requiert tous nos efforts : le temps de l’action est venu !

Zenit - Quelle contribution chacun peut-il apporter afin d’empêcher la loi d’ouvrir davantage le champ d’action sur la recherche embryonnaire ?

P.-O. Arduin - Devant ces défis qui pourraient nous sembler écrasants, j’aime beaucoup rappeler ces paroles de Jean-Paul II devant la cathédrale de Spire : « Que puis-je faire, moi, tout seul, est-ce que je peux vraiment apporter ma contribution. A cette question, je vous apporte la réponse. Oui, toi, individuellement, tu peux amorcer le mouvement, car toute bonne résolution ne se décide jamais que par une personne ! ».

A la source de toute initiative, j’insisterai sur la formation personnelle. Celle-ci peut être approfondie à travers des parcours spécifiques : je pense au troisième cycle de bioéthique créé conjointement par la Fondation Jérôme Lejeune et l’Institut politique Léon Harmel ou aux formations dispensées par la communauté de l’Emmanuel dont le colloque annuel de Paray-le-Monial est un moment exceptionnel pour se renouveler dans son engagement au service de la vie. Chacun peut s’associer à un mouvement pro-vie, rencontrer son député en s’appuyant sur les dossiers très bien construits de l’Alliance pour les Droits de la Vie, soutenir un projet scientifique ayant un label éthique. J’encourage les catholiques à rencontrer leur Evêque pour mettre en place une commission bioéthique diocésaine comme l’a demandé récemment le Cardinal Tarcisio Bertone sur une idée de Jean-Marie Le Méné.

Enfin, plusieurs colloques vont être organisés par des chrétiens dans les mois qui viennent pour préparer au mieux la révision de la loi de bioéthique. La tenue d’Etats généraux de la bioéthique en France sera l’occasion de rendre compte de notre réflexion et de nos propositions. Si le Magistère d’une Eglise experte en humanité est appelé à toucher de plus en plus les consciences, les faits scientifiques sont en outre complètement en notre faveur.

Regardez la « conversion » intellectuelle de Ian Wilmut, père de la fameuse brebis Dolly. Devant les résultats exceptionnels du professeur Yamanaka - invité par le Vatican il y a déjà plus d’un an - qui est parvenu à transformer des cellules malades en cellules souches pluripotentes, le chercheur écossais a fait le choix de renoncer publiquement à la technique de clonage embryonnaire, alors même qu’il avait obtenu toutes les accréditations de la part des autorités britanniques. A nous d’être les témoins de cette magnifique concordance entre le respect de la vie humaine et les découvertes passionnantes de la médecine moderne !



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