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 - 21 décembre 2024 - Saint Pierre Canisius
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Mission

Initiation à la Théologie de la Nouvelle Evangélisation (2)

Le Père Mario Saint-Pierre poursuit sa chronique en présentant le contexte du Synode qui a précédé l’exhortation apostolique.

Le choix du Pape : « l’évangélisation dans le monde contemporain »

En 1972, le Conseil du Secrétariat du Synode se réunit en vue de déterminer le choix du prochain thème. Les sujets nombreux et les consultations de l’épiscopat obligent à établir certains critères. Trois sujets ont été retenus : le premier sur la famille, le deuxième sur l’évangélisation et la justice pour la libération de l’homme, le troisième sur la foi et le magistère. Finalement, le 3 février 1973, le Pape choisissait le sujet suivant : « L’évangélisation dans le monde contemporain ». Un document préparatoire appelé Lineamenta est proposé aux Conférences épiscopales (30 mai 1973). Suite aux nombreuses réactions, un Instrument de travail est offert pour aider les évêques qui devaient se préparer à participer au Synode (7 juin 1974).

La ligne d’orientation du Synode est profondément marquée par la nécessité de se situer dans la ligne du Concile Vatican II. Cependant les Pères synodaux seront en face d’une incontournable originalité exprimée dans la deuxième partie du titre de ce thème, c’est-à-dire : « le monde contemporain ». Se situer dans le sillage du Concile n’était pas en soi une difficulté. Par contre, considérer ce thème dans la perspective du monde contemporain représentait quelque chose de tout à fait neuf. Des tensions n’ont pas tardé à surgir étant donné la difficulté de trouver une méthode qui pouvait faciliter le dialogue et l’échange des expériences si multiples et variées à travers le monde.

Un synode « tendu »

Ce 4e Synode a été extrêmement difficile pour 5 raisons majeures. D’abord, le déroulement du Synode divisé en deux temps a rapidement soulevé des difficultés d’ordre méthodologique. La première partie du Synode, du 27 septembre au 4 octobre, consistait à établir un bilan de l’Église universelle sur l’évangélisation. Un matériel expérimental très abondant et une diversité de situations pouvaient difficilement permettre une juste synthèse. La deuxième partie, du 8 au 26 octobre, offrait une réflexion théologique. Le passage de l’un à l’autre, d’un échange d’expériences à un approfondissement théologique, n’a pas été facile.

Deuxième difficulté. Ce Synode thématique était placé devant un problème de terminologie. Ce Synode, dix ans après le Concile, aborde plus franchement le thème de l’évangélisation selon une perspective plus ou moins déterminée. Fallait-il aborder ce thème d’un point de vue plus théologique ou plus pastoral. Quelle est la définition de l’évangélisation ? Comment peut-on utiliser ce terme ? Au seuil du Synode, le terme demeurait imprécis. Les Pères synodaux venant de plusieurs horizons et confrontés à des défis différents n’arrivaient pas à s’entendre sur une définition commune.

Troisième difficulté. Neuf ans après la clôture du Concile Vatican II, l’Église universelle est plus consciente d’elle-même et des différentes revendications régionales pour le renouveau de l’Église. Un des aspects les plus surprenants du Synode, fut l’abondance des problèmes qui y furent soulevés et la très riche diversité des expériences locales. Dans le texte final qui a été rédigé à l’occasion de ce Synode, on a pu dénombrer 67 thèmes théologiques et pastoraux différents. À la fin de la démarche synodale, les Pères synodaux ne sont pas parvenus à voter les recommandations qui auraient pu servir au Pape.

Quatrième difficulté. La finalité de l’expérience synodale n’était pas tout à fait claire. La vocation propre du Synode romain, institution nouvelle qui est apparue après le Concile, s’est précisée au cours et au coeur même de ce 4e Synode. Les Pères synodaux ont pris conscience que cette assemblée ne devait pas être considérée comme un mini-concile. Cette assemblée est consultative. Elle permet au Pape d’approfondir un thème théologique et pastoral à l’aide du matériel des différents représentants épiscopaux du monde entier.

Cinquième difficulté. Des tensions importantes voient le jour selon l’origine géographique des évêques. Dressons la liste. Les Asiatiques étaient sensibles au dialogue avec les religions non-chrétiennes. Les Africains cherchaient à approfondir le lien entre culture et foi et à décentrer le point de vue européen du sécularisme pour l’ouvrir à la réalité fondamentale de la première évangélisation. Les Sud-américains étaient préoccupés par la difficile problématique de la théologie de la libération et de la promotion humaine. Les Européens et les Nord-américains faisaient face à la sécularisation et à la déchristianisation. L’Europe de l’Est était préoccupée par le thème de l’athéisme systématique.

L’évangélisation : une réalité difficile à cerner

Une autre série de tensions peut être mentionnée. Elle se situe dans une autre catégorie. Ces tensions ont surgi dans le contexte d’une réflexion proprement théologique sur l’évangélisation. Elles sont nombreuses. Nous ne faisons que les énumérer : la tension entre la primauté du Christ et le rôle de l’Esprit Saint dans l’évangélisation ; entre le témoignage implicite de la vie et le témoignage explicite ; entre la nécessité de l’évangélisation et le respect de la conscience libre ; le rapport entre Église universelle et Églises locales, entre le Pape et les évêques, entre le Peuple de Dieu et la hiérarchie (d’où la question des communautés ecclésiales de base), entre unité et pluralisme, entre l’intégrité du message évangélique et la nécessaire adaptation des méthodes, entre continuité et rupture vis-à-vis des mentalités (d’où le problème de la conversion), entre sécularisation et religion...

Dans cette longue énumération de difficultés, une première constatation se manifeste avec force. L’évangélisation ne peut être comprise d’une manière étroite. Il s’agit d’une réalité difficile à cerner. Il faut avoir l’humilité de reconnaître, et les Pères synodaux en ont sûrement fait l’expérience, que l’évangélisation demeure à ce point riche et variée qu’il faut faire preuve de beaucoup de dépassement et d’humilité pour en embrasser toutes les facettes. Finalement, l’expérience du Synode aura été d’un grand secours pour écarter tout point de vue réducteur et unilatéral, mais surtout pour chercher à établir une méthode adaptée et profondément articulée afin d’éviter toute forme de simplification partisane et idéologique.

Effectivement, au coeur du Synode, une méthodologie va se mettre en place. Au début de la deuxième partie du Synode, le 14 octobre, le cardinal Wojtyla, archevêque de Cracovie, présente une réflexion théologique qui a pour but d’orienter les discussions ultérieures. Au tout début de cette synthèse théologique, le cardinal Wojtyla disait : « En écoutant ou en lisant vos interventions, j’ai été sensible à la crainte de négliger l’un ou l’autre des thèmes de cette donnée complexe que nous désignons sous le nom d’« évangélisation » : il est très important de rassembler tous les traits que vous avez notés. Et il ne suffit pas de les aligner, car ils se complètent mutuellement, en sorte qu’il faut les réunir pour obtenir un concept intégral d’évangélisation » (L’Église des cinq continents, 148).

« Un concept intégral d’évangélisation »... cette méthode d’intégration qui est présentée au coeur de ce Synode sera particulièrement privilégiée par le Pape Paul VI pour élaborer et offrir ce grand texte d’Église qu’est Evangelii nuntiandi. Comment cette méthode suggérée par le cardinal Wojtyla est-elle appliquée dans Evangelii Nuntiandi ? Tel sera l’objet de la troisième partie.



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