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Génétique
» Que votre lumière brille aux yeux des hommes !
AnalysesQue votre lumière brille aux yeux des hommes !Nous reprenons un texte de Mgr Bagnard, évêque de Belley Ars, à propos de la révision des lois de bioéthique. La révision des lois sur la bioéthique est en plein débat. Elle se déroule dans une surprenante discrétion, malgré les enjeux considérables qui lui sont liés. Tout se passe comme si, pour accomplir un nouveau pas en avant, il fallait l’envelopper d’un silence protecteur pour mieux le faire aboutir. L’actualité foisonnante lui a volé la vedette, avec le procès de New York, la guerre en Lybie, l’éruption volcanique d’Islande ou la montée en puissance des candidatures aux prochaines élections présidentielles. Après avoir été voté en première lecture à l’Assemblée Nationale, puis "revisité" par le Sénat, le Projet vient d’être déposé sur le Bureau des Députés qui doivent l’examiner en seconde lecture. Parmi les nombreux problèmes que soulève l’évolution des techniques médicales avec leur puissance d’intervention sur le sources de la vie, il en est un qui reste étrangement irrésolu : quelle est l’identité de l’embryon ? De la réponse que l’on donne à cette question centrale dépend toute la suite des choix et des décisions. Si, en effet, l’embryon est le début de l’existence d’un être humain qui a déjà en lui-même tout sa carte génétique et donc son unicité inaliénable, il appartient alors forcément à la famille des humains ; on ne peut donc pas le traiter comme du vulgaire matériau. Si, au contraire, on le tient comme une simple "chose", un amas de cellules du genre ovni, alors on se donne toute autorité pour l’exploiter à la manière d’un banal minerai extrait d’une carrière. Parce qu’il n’est "rien" de précis, on peut le soumettre à tout ! L’éliminer comme un simple "déchet", après que l’on ait épuisé sur lui toutes les recherches qu’on avait programmées est le sort logique qu’on lui réserve. Ayons le courage de la vérité : on jette au rebut un être humain ! Répondre avec clarté à cette question met évidemment dans une position délicate. Car reconnaître que l’embryon est un être humain en ses commencements conduit à remettre en cause toute une législation, en vigueur depuis des décennies, en particulier celle concernant l’avortement. Car alors on est contraint d’admettre que l’avortement est un attentat porté contre un être humain, l’être le plus innocent de tous parce que le moins capable de se défendre. Le plus fort exécute le plus faible. La loi de la jungle remplace celle des droits de l’homme. Une civilisation s’enfonce silencieusement dans la barbarie. Les promoteurs de la législation en vigueur invoquent le simplisme d’un tel raisonnement et font valoir la multiplicité des éléments à prendre en compte : situations humaines, avancées des sciences, évolution des mentalités, nécessités de la recherche, exigence de ne pas prendre de retard, etc. L’étalement d’une telle complexité fait naître le sentiment d’une disqualification à se prononcer clairement ! C’est comme si on vous transportait dans la région des étangs de la Dombes. à la période des plus épais brouillards ; on ne parvient plus à distinguer l’eau des étangs de la terre ferme. Tout est enfermé dans l’indistinction. La complaisance dans la complexité sert d’écran derrière lequel on s’abrite pour parvenir - sans le dire - au but qu’on s’est fixé ! Jean-Paul II, regardant son époque, écrivait : "la conscience morale semble s’obscurcir terriblement et avoir de plus en plus de difficulté à établir la distinction claire et nette entre le bien et le mal pour ce qui touche à la valeur fondamentale de la vie humaine." C’est dans ce contexte de flou entretenu que s’instaure à nouveau le débat sur l’expérimentation sur les cellules embryonnaires. Le débat se ramène à une alternative :
Rien d’étonnant, une fois engagé sur cette pente, de continuer à la dévaler. _ Ainsi, pourquoi ne pas faire adopter par les jeunes, les mêmes moyens que ceux mis en pratique chez les adultes. Une société qui a perdu le nord éthique entraîne fatalement dans son sillage toute sa jeunesse. Elle l’invite sans complexe à marcher, comme elle, sans boussole. C’est ainsi qu’après avoir enregistré une recrudescence des avortements chez les jeunes filles mineures, malgré le déploiement impressionnant des moyens mis en œuvre depuis des années : large diffusion d’informations, distribution intense de préservatifs - plus de 700.000 pour la seule Région de Poitou-Charente depuis 2004 - malgré tous ces moyens, les avortements chez les adolescentes ne cessent d’augmenter. L’émoi causé chez les Responsables politiques et civils par ce fléau ne les conduit pourtant pas à modifier les méthodes utilisées jusque là ; on les intensifie plutôt en en facilitant l’emploi. Le regard, purement sociologique, porté sur ces situations appelle comme seule réponse la mise en œuvre de simples moyens administratifs et techniques. Rien n’est dit sur l’éducation à la maîtrise de soi, sur le respect de son corps et du corps de l’autre, sur le sens de la responsabilité personnelle, sur le sens des liens dans l’amour partagé, sur l’engagement et la prise en compte des actes que l’on pose, sur leur gravité avec les séquelles médicales et psychologiques qui découlent de l’élimination de l’enfant, l’avortement devenant quasi officiellement la plus sûre des méthodes contraceptives. C’est ainsi que s’ouvre sous nos yeux une impressionnante déstructuration des relations entre filles et garçons, avec ses inévitables retentissements sur le milieu familial et social. En même temps, apparaît de plus en plus manifeste, l’emprise de l’Etat sur les corps et sur les consciences, les familles étant mises hors jeu, les éducateurs hors-circuit. Un penseur de talent, André Glucksmann, a publié, il y a déjà vingt ans, un essai d’une grande hauteur de vue. Réfléchissant sur les deux idéologies athées qui ont traversé le vingtième siècle, il suggérait l’ajout d’un "onzième commandement" au Décalogue biblique ; il en formulait ainsi le contenu : "Que rien de ce qui est inhumain ne te soit étranger." Il expliquait que ce onzième commandement n’exige pas d’abord de se jeter dans l’action, mais avant tout d’ouvrir les yeux sur le mal. Evoquant la grande figure de Soljenitsyne, il expliquait que c’est sa détermination à maintenir sous son regard le mystère du mal - le mal le plus inhumain des goulags - qui "rendit la dissidence inflexible et le mur de Berlin friable". † Père Guy-Marie Bagnard Evêque de Belley-Ars le 3 juin 2011 |