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Histoire de l’Immaculée Conception

CITE DU VATICAN, Mardi 7 décembre 2004 (ZENIT.org) - A l’occasion du 150e anniversaire du dogme de l’Immaculée Conception par le pape Pie IX, Fr. Jacques de Préville a bien voulu expliquer à Zenit, l’enjeu de la publication, en 1850 et de la réédition, cette année, du "Mémoire sur l’Immaculée Conception" de Dom Prosper Guéranger, le grand liturge, précurseur du renouveau liturgique conciliaire.

Zenit : Fr Jacques de Préville, en quoi consiste le dogme qui a inspiré à Dom Guéranger son "Mémoire sur l’Immaculée Conception" ?

Fr Jacques de Préville : Le dogme de l’Immaculée Conception affirme comme une donnée de foi que la Très Sainte Vierge Marie, dès le premier instant de sa conception, par un privilège spécial, en vertu des mérites de Jésus-Christ, fut préservée et exempte de toute tache du péché originel. Marie est la Toute Sainte, absolument pure de tout péché. Ce dogme a été défini solennellement par Pie IX, le 8 décembre 1854, par la bulle "Ineffabilis Deus". C’est donc demain le 150ème anniversaire de la proclamation de ce dogme. L’Église célèbre cet anniversaire avec joie.

Zenit : Pourquoi ce mémoire, en 1850 ?

Fr Jacques de Préville : Parce que Dom Guéranger a voulu participer à l’énorme travail qui a précédé cette définition. Elle était désirée par le plus grand nombre, mais jugée inopportune par certains. Pie IX, par l’encyclique "Ubi primum" du 2 février 1849, avait invité les évêques du monde entier à donner leur avis motivé sur la possibilité et l’opportunité de cette définition. En France, de nombreux évêques constituèrent des commissions de théologiens pour préparer leur réponse. A cet intense effort de réflexion sur le privilège de Marie, le premier Abbé de Solesmes a voulu apporter sa contribution et faire connaître sa pensée. C’est l’origine de ce "Mémoire sur la question de l’Immaculée Conception" publié en avril 1850.

Zenit : L’Immaculée Conception de Marie avait donc beaucoup d’importance pour dom Guéranger ?

Fr Jacques de Préville : Beaucoup. Ce privilège de Marie lui était tout particulièrement cher. Il se souvenait en effet de la grande grâce de lumière dont il avait bénéficié le 8 décembre 1823, en la fête de la Conception de Notre Dame, alors qu’il était élève au séminaire et encore lié par des vues trop rationnelles. Il a raconté lui-même l’événement : "Ce fut alors que la très miséricordieuse et très compatissante reine Marie Mère de Dieu vint à mon aide d’une manière aussi triomphante qu’inattendue. Le 8 décembre 1823, je faisais le matin ma méditation avec la communauté, et j’avais abordé mon sujet (le mystère du jour) avec mes vues rationalistes comme à l’ordinaire ; mais voici qu’insensiblement je me sens entraîné à croire Marie immaculée dans sa conception ; la spéculation et le sentiment s’unissent sans effort sur ce mystère, j’éprouve une joie douce dans mon acquiescement ; aucun transport, mais une douce paix avec une conviction sincère. Marie avait daigné me transformer de ses mains bénies, sans secousse, sans enthousiasme : c’était une nature qui disparaissait pour faire place à une autre. Je n’en dis rien à personne, d’autant que j’étais loin encore de sentir toute la portée qu’avait pour moi une telle révélation. J’en fus ému sans doute alors ; mais je le suis bien autrement aujourd’hui que je comprends toute l’étendue de la faveur que la très sainte Vierge daigna me faire ce jour-là"1.

Zenit : Donc, pourquoi ce "mémoire" ?

Fr Jacques de Préville : Dom Guéranger voulut montrer dans cet ouvrage pourquoi cette croyance en l’Immaculée Conception pouvait faire l’objet d’une définition dogmatique. Avec une grande clarté et une information très étendue, Dom Guéranger établit cette possibilité. Pour que la croyance puisse être définie comme dogme de foi, explique-t-il, il faut que la Conception immaculée appartienne à la Révélation, consignée dans l’Écriture ou la Tradition, ou soit impliquée dans des croyances antérieurement définies. Il faut ensuite qu’elle ait été proposée à la foi des fidèles par l’enseignement du Magistère ordinaire. Il faut enfin qu’elle soit attestée par la liturgie, les Pères et les écrivains de l’Église. Dom Guéranger montre successivement que ces trois conditions se trouvent réunies, et donc que la définition est possible. "L’Église, dit-il, a dû attendre le temps convenable pour se recueillir en elle-même, pour constater cet universel accord qui est aujourd’hui la preuve que telle est la doctrine de l’Église catholique"2. Cette phrase est essentielle et résume tout le "Mémoire".

Zenit : Comment Dom Guéranger explique-t-il le lien entre la Révélation et la définition d’un "nouveau" dogme ?

Fr Jacques de Préville : Il rappelle justement qu’"il n’y a pas de nouvelle révélation, quand l’Église définit un dogme de foi"3. L’Église n’ajoute rien au donné de la foi. Elle reconnaît seulement que cette vérité nouvellement définie existait déjà implicitement dans le trésor de la Révélation. Il en sera de même pour le dogme de l’Assomption de Marie définie par Pie XII en 1950. Mais à ces vérités ainsi définies, le croyant doit désormais sa pleine et entière adhésion de foi.

Dom Guéranger montre ensuite, à la fin de son ouvrage, la haute convenance de la définition de l’Immaculée Conception qu’il désirait lui-même ardemment. Elle sera une gloire rendue à la Vierge Marie par la reconnaissance officielle de son privilège ; elle sera "salutaire au genre humain, car il ne se peut que la terre envoie la louange à Marie sans que cette Mère de miséricorde ne reconnaisse par de nouveaux bienfaits l’élan du cœur de ses enfants vers elle, surtout quand cette louange a pour but de glorifier en elle le don qu’elle estime le plus, l’intégrité de l’âme, l’exemption de toute tache, la sainteté en un mot, par laquelle elle est le très pur Miroir de la Justice de Dieu, Speculum Justitiae"4.

Zenit : Qu’est-ce qui fait l’originalité de l’ouvrage ?

Fr Jacques de Préville : On peut admirer dans ces pages la science théologique de Dom Guéranger, mais aussi son grand esprit de foi, son sens profond de l’Église, son amour fervent pour la Vierge Marie. On y entend parler le moine familier de l’Écriture, des Pères et des prières liturgiques, le contemplatif qui a longuement médité sur le mystère de Marie Immaculée.

Zenit : Pourquoi une réédition cette année ?

Fr Jacques de Préville : Pour donner un témoignage de l’effort de Dom Guéranger pour obtenir la définition de l’Immaculée Conception de Marie. Son écrit fut connu et apprécié de Pie IX, aussi, lors d’un voyage de l’Abbé de Solesmes à Rome en 1851, le Saint-Père lui demanda de travailler à un projet de texte en vue de la définition. Nous avons pensé utile de publier à nouveau le Mémoire de Dom Guéranger en cette année 2004. Il pourra aider à mieux comprendre la portée de l’acte du Bienheureux Pie IX, le 8 décembre 1854, et la grande lumière qu’il nous apporte.

Fr. Jacques de Préville
moine de Solesmes

1 Mémoire autobiographique, Édition en préparation.
2 Mémoire sur la question de l’Immaculée Conception, p. 129.
3 id. p. 2.
4 id. p. 131.



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