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« La religion, encore un tabou pour la politique française », par le card. Tauran

ROME, Jeudi 10 mai 2007 (ZENIT.org) - « La religion est encore un tabou pour la politique française », estime le cardinal Tauran.

« Avec Sarkozy, on espère une nouvelle laïcité » : le quotidien de la conférence épiscopale italienne (CEI), « Avvenire », titre ainsi une interview accordée par le cardinal bordelais Jean-Louis Tauran, ancien « ministre des Affaires étrangères » de Jean-Paul II, et publiée dans l’édition du 10 mai.

L’« Avvenire » rappelle qu’il y a quelques mois les évêques français (cf. www.cef.fr), ont publié un document souhaitant notamment, écrit l’Avvenire « la réhabilitation de la politique ». Le quotidien souligne que les Français se sont en effet rendus en masse aux urnes pour l’élection présidentielle.

Le cardinal Tauran est actuellement archiviste et bibliothécaire de la Sainte Eglise romaine. Comme de nombreux Français de Rome (mais seulement un peu plus 40 % des électeurs ont voté en Italie), il s’est rendu aux urnes au palais Farnèse, siège de l’ambassade de France à Rome, dimanche dernier. Le vote est « secret » a-t-il rappelé au journaliste italien.

Avvenire - Eminence, l’épiscopat transalpin a-t-il fait entendre sa voix pour ce rendez-vous électoral ?

Card. Tauran - Il l’a fait par deux documents très intéressants. Le dernier, le 27 mars, était très clair et très concret. On indiquait les thèmes qui tiennent à coeur aux catholiques français : la défense de la fmaille et de la vie, un partage des richesses plus équitable, une plus grande ouverture de la France à l’Europe, et au monde, un accueil généreux des immigrés, mais avec des limites, parce que l’on ne peut pas les accepter tous. Les évêques, évidemment, n’ont pas indiqué pour qui voter, mais ils ont demandé aux chrétiens de soutenir le candidat dont le programme serait le plus en accord avec ces points.

Avvenire - Tous les thèmes indiqués par les évêques de France n’ont pas été abordés lors de la campagne électorale...

Card. Tauran - J’ai été très frappé que l’on ait très peu parlé d’Europe, de même que les thèmes éthiques ont été très peu présents. Dans le face à face final ces thèmes ont été complètement absents. Et dans la campagne électorale, toute référence à des faits ou des questions religieuses a été absente.

Avvenire - Mais presque tous les candidats ont été interviewés par « La Croix », le quotidien catholique français...

Card. Tauran - Oui, mais même dans ces belles interviews, les questions religieuses ont été seulement mentionnées. Evidemment, la religion est encore un tabou pour la politique française. En dépit du fait qu’un dialogue institutionnel entre l’Eglise catholique et l’Etat ait été lancé par Lionel Jospin, pour la première fois depuis la loi de 1905, sur la séparation des Eglises et de l’Etat, il y a une sorte de super-dogme laïc de la République.

Avvenire - Et pourtant, Nicolas Sarkozy, en tant que ministre de la République, a écrit en 2004 un livre où il rompt avec quelques tabous : la République, la religion, l’espérance...

Card. Tauran - Et il a été indéniablement courageux de le faire. On verra maintenant comment il se comportera en tant que président de la République.

Avvenire - Avez-vous déjà rencontré le nouveau président ?

Card. Tauran - Oui, lorsqu’il est venu au Vatican, justement pour présenter son livre. Il me semble que c’était en novembre 2004. Et nous l’avons rencontré, le cardinal secrétaire d’Etat de l’époque, le cardinal Angelo Sodano, l’archevêque Giovanni Lajolo, qui était mon successeur comme secrétaire pour les Relations avec les Etats, et moi-même. Celui qui était alors minsitre nous a alors donné une copie de son livre. Sur la mienne, il a écrit comme dédicace : « Votre ami tout simplement ».

Avvenire - Quelle impression vous a-t-il faite ?

Card. Tauran - Celle d’un homme de convictions, libre, pas idéologique.

Avvenire - De quoi avez-vous parlé lors de cet entretien ?

Card. Tauran - Nous avons surtout discuté de cette phrase d’Alexis de Tocqueville, qui se trouve en exergue de son livre : « C’est le despotisme qui peut se passer de la foi, pas la liberté ». Et nous sommes tombés d’accord sur le fait qu’il s’agit d’une phrase vraie, qui vaut aussi pour la France, et pour le monde d’aujourd’hui.

Avvenire - Qu’est-ce que vous avez aimé dans ce livre ?

Card. Tauran - Il a été écrit par un ministre qui n’a pas peur de parler de religion, en affirmant que les chrétiens ne doivent pas avoir honte de leur foi et ne doivent pas avoir de complexe d’infériorité. Intéressante aussi la définition de la laïcité qui se trouve dans le livre (nous traduisons de l’italien, ndlr) : « Je crois dans une laïcité positive, c’est-à-dire dans une laïcité qui garantit le droit de vivre sa propre religion comme un droit fondamental de la personne. La laïcité n’est pas l’ennemie des religions, au contraire, la laïcité est la garantie pour chacun de nous de croire et de vivre sa propre foi ». Une définition à laquelle on peut tout à fait souscrire. Et pas seulement ; dans son livre, Sarkozy a d’une certaine façon préfiguré la possibilité de retoucher la fameuse loi de 1905 - qui a sanctionné la séparation de l’Eglise et de l’Etat - pour rendre possible un financement direct des grandes religions par l’Etat, en rompant un autre tabou de la politique française.

Avvenire - Et pourtant dans son entretien à « La croix », Sarkozy a dit de ne pas avoir mis dans son programme le changement de la loi de 1905 parce qu’il n’y a pas de consensus en France sur ce point...

Card. Tauran - Oui, je l’ai lu, mais ce qu’il a écrit dans son livre reste. Et il s’agit d’une position extraordinarement ouverte pour un politicien français. Nous verrons si en tant que président il réussira à trouver le consensus nécessaire pour mettre à jour ce qui est encore obsolète dans la loi de 1905.

Avvenire - Selon les analyses des sondages, Sarkozy aurait conquis la majorité des voix des catholiques pratiquants. Selon vous, pourquoi ?

Card. Tauran - Sarkozy s’est déclaré ouvertement pour l’ordre et le respect de l’autorité, il a rappelé que les citoyens ont des droits mais aussi des devoirs, et les catholiques français, je pense, se sont manifestés particulièrement sensibles à ces deux points.

Avvenire - Eminence, vous avez une grande expérience internationale. Certains commentateurs ont défini Sarkozy comme philo-américain et aussi philo-israélien. Vous prévoyez un tournant dans la politique étrangère traditionnelle française ?

Card. Tauran - C’est peut-être un peu trop que de le définir comme philo-américain et aussi philo-israélien. Mais Sarkozy se rend certainement compte que lorsque l’on doit affronter des problèmes géopolitiques important, et délicats, comme ceux du Moyen Orient, on ne peut rien faire sans les USA et sans Israël. Je crois que c’est un bien que la France et l’Europe travaillent - tout en conservant leurs caractéristiques - en harmonie avec les USA. La France et l’Europe ont une histoire, une identité propre, mais elles ne peuvent pas penser isoler les USA ni Israël.

Avvenire - Ce n’est pas un mystère que la France présidée par Jacques Chirac ait été parmi les plus grands opposants à la mention du fait chrétien dans la Constitution européenne qui a ensuite avorté. Vous croyez que cette attitude changera avec Sarkozy ?

Card. Tauran - Dans son livre, Sarkozy semble être favorable à la reconnaissance publique que l’Europe a effectivement des racines chrétiennes. On oublie souvent les nombreuses choses que l’Europe doit à l’Eglise : les écoles, les universités, la démocratie même. Il ne faut pas oublier que le premier exercice de la démocratie directe est l’élection de l’abbé des monastères bénédictins, avec un vote secret. Et cela, ce sont des faits !

Avvenire - Sarkozy a annoncé qu’il voulait venir à Rome dès que possible. Vous pensez qu’à cette occasion il pourrait prendre possession de sa charge de chanoine honoraire de la basilique papale de Saint-Jean-du-Latran ?

Card. Tauran - Peut-être. Tous les présidents ne l’ont pas fait. Le dernier à avoir été installé est Jacques Chirac à l’occasion de sa visite d’Etat au Vatican, le 20 janvier 1996. Evidemment j’ignore les intentions du nouveau président.



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